" cette île à la tiédeur d’oiseau "
Ph;: G.AdC
À la chaux de nos silences
Ma bouche ne sait plus
mes mots ne peuvent rien
je ne sais plus faire
plus rien faire que ça
empiler le passé sur les saisons
avorter le printemps dans l’été
lisser la mémoire au fer rouge
a repasser les trous les ronces les horizons
blanchir mes nuits à la chaux de nos silences
ceux qui hurlent en dedans
ceux qui s’accrochent dans la portée du ventre
(silences) se cherchent entre le soupir et la
pause
mais ne se taisent jamais vraiment
ils se frottent blancs vifs brûlés
aux murs où balancent nos échos
lambeaux de chairs
pendus aux crocs de tout ce tout ce qu’on
aurait voulu mais qu’on n’a pas osé
ils s’agitent possédés
corps qui tremblent de n’être empoignés
œil entrecuisse desséchée
silence silence blanche la nuit blanche ronde
il faudra bien que les doigts trouvent
il faudra bien que je me fasse dormir
pas rêver non pas je n’espère même plus l’obscurité
juste un peu de clarté humide
une pensée qui desceller la commissure
les doigts viendront au moins
précipiter le naufrage
remuer les sédiments
jusqu’à cette île à la tiédeur d’oiseau
un chant plus loin
l’aurore mouille ensablée l’embouchure
Gaëlle Fonlupt, À la chaux de nos silences, Poèmes, Éditions de Corlevour | Revue Achille, 2023, pp. 74,75.