Lancelot, marqué à vie par un bombardement américain, s'interroge sur la raison de ceux qui rasent le Havre, en ce début septembre 1944.
Lancelot rencontre régulièrement un ami avocat (M. G.), qui lui donne quelques nouvelles de personnages qu'ils a bien connus, comme par exemple : ( Jean Luchaire. ( chez qui Lancelot, rencontra Elaine de L. vers 1925, ou 26) Jean Luchaire - Elaine de L. - Les légendes du Graal (over-blog.net)
" Audacieux, sans scrupules, il mena une vie dispendieuse et émit des chèques sans provisions. " Il se renfloua grâce à sa fille, qui fit du cinéma ; mineure, le père dépensa les sommes gagnées. Il gagna beaucoup dans le rapprochement franco-allemand. Les occupants firent de lui le président des directeurs de la presse parisienne. Il est aussi le directeur des '' Nouveaux Temps '' , " C'est l'un des hommes les plus en vue, les plus haïs de Paris. " . " Si les allemands sont vaincus, il se sait pendu. "
René de NauroisLancelot reçoit en novembre 1944, des nouvelles de René de Naurois, qu'il connut comme aumônier de l'École des cadres d'Uriage qu'il dut quitter en juin 41. Il est alors entré en Résistance ( Témoignage Chrétien, le mouvement Combat), et a sauvé de nombreux juifs. Traqué par les allemands, il put rejoindre Londres, les Forces françaises libres en avril 1943. Il demanda à être affecté aux Commandos et débarque en France sur la plage de Colleville-sur-Orne le 6 juin 1944. Après de violents combats, en Hollande, il est hospitalisé. Il écrit en novembre 44: " L'action du prêtre ne se réduit pas à son action visible et tangible (par ex. : égayer ou entraîner les autres) mais comprend essentiellement son action surnaturelle invisible " (...) " Ce qui le fait prêtre et lui donne des pouvoirs extraordinaires ne vient pas de lui, mais de Dieu. "
Un ami, proche de Georges Bidault nous raconte son voyage en URSS, à la suite du Général ( Nov-Décembre 1944). Ce dernier était inquiet : " C'est très bien ce voyage, mais il ne faudrait pas que la France se mette en révolution pendant ce temps-là "
Moscou attachait beaucoup d'importance à la résistance intérieure française, et De Gaulle avait toujours maintenu le contact avec l'Union soviétique, malgré une certaine mésestime de Staline envers la France depuis la défaite de 40.
De Gaulle souhaite un certain effacement des communistes français et marquer son indépendance vis à vis des États-Unis et des britanniques.
Gracié par le Général, du fait de sa désertion en 1939, Maurice Thorez est autorisé à revenir en France. Le 19 novembre, Thorez est reçu au Kremlin par Staline, en présence de Molotov et Beria. Staline rappelle que le gouvernement de De Gaulle ayant été reconnu, le 23 octobre 1944, par les Alliés, il ne s'agit plus " de suivre l'ancienne ligne (...). Il faut opérer un tournant. Le PC n'est pas assez fort (...) Il doit accumuler des forces et chercher des alliés (...). "
Maurice Thorez atterrit à Paris le 27 novembre.
De Gaulle à Moscou - déc 1944De Gaulle et sa délégation sont partis depuis le 21 novembre, pour se rendre à Moscou, par Le Caire, Téhéran et Bakou. A la demande même du général, ils passent par Stalingrad ( 30 Nov) : la gare est en ruines, et visitent ce lieu de bataille qui fut décisive. Le train arrive à Moscou le 2 décembre et le général, accueilli par Molotov, choisit de loger à l'Ambassade de France, et laisse à M. Bidault l'honneur de l'hospitalité soviétique.
Le soir même le Général de Gaulle et l'amiral Staline se rencontrent, et évoquent l'idée d'un traité. et Le général avait confié à son entourage que contrairement à Vichy, il ne joue pas tantôt avec la carte anglaise, tantôt la carte allemande, ou encore une autre : " pour nous, pas de carte anglaise, ni russe : il y a la France. " Les français gardent en mémoire le pacte de 1935.
Le portrait de Staline, relaté par la délégation, est celui d'un homme " possédé de la volonté de puissance. Rompu par une vie de complots à masquer ses traits et son âme, à se passer d'illusions, de pitié, de sincérité, à voir en chaque homme un obstacle ou un danger, tout chez lui était manœuvre, méfiance et obstination. "
Le lendemain dimanche 3 décembre, à dix heures, messe à Saint-Louis des Français. " Au troisième banc à côté de moi, se carrent trois agents du NKVD. "
Pour Staline, la question centrale concerne la Pologne, et la reconnaissance du régime de Lublin ( illégitime , pour la France). Spectacles, dîners, les discussions piétinent. Bidault et Molotov, tentent plusieurs propositions ; mais de Gaulle refuse d'abandonner la Pologne à la ''protection'' de l'armée rouge.
Lors du dîner officiel d'adieu, toujours sans le résultat d'un traité ; Staline opère une véritable " scène de tragi-comédie " (selon les mots du général) mêlant éloges, humour et menaces.
Subitement, de Gaulle se lève : " Je vous remercie, M. le Maréchal, de votre accueil que je n'oublierai pas. Il est tard maintenant. Nous allons rentrer. Bonsoir, M. le Maréchal ". Staline : " Mais (...) vous avez bien le temps ". Déjà le Général s'éloigne ... Et il s'en va.
La signature du traité franco-russe le 10 décembre 1944Finalement, Staline accepte un pacte avec la France ( sans la Grande-Bretagne) et le Général admet l'idée d'envoyer à Lublin un représentant sans caractère diplomatique.
Lors du départ de la délégation française, Staline salue l'opiniâtreté du général : " La France a des chefs maintenant, des chefs intraitables, raides, ne cédant pas. C'est bien, c'est bien, c'est ce qu'il faut. J'en suis heureux. C'est ce qu'il faut à la France... ".
Pendant le retour, de Gaulle confie : " Ce n'est pas un régime populaire, il n'y a pas d'enthousiasme dans cette masse. A Paris, c'était autre chose : un peuple libre... "
Staline lui aurait dit : " Ce doit être bien difficile de gouverner un pays comme la France où tout le monde est si remuant ! " Ou encore, parlant de Thorez : " Si j'étais à votre place, je ne le mettrais pas en prison... Du moins, pas tout de suite ! "
Maurice ThorezLe 30 novembre, Thorez a exposé aux communistes français, les consignes de Staline, résumées dans le nouveau mot d'ordre : " S'unir, combattre, travailler ". Un objectif est de réussir l'unité avec le parti socialiste afin de créer le grand parti ouvrier français.
La puissance du parti communiste - il est le principal parti de France - n'est pas seulement électorale ; elle est dans un appareil discipliné et ultracentralisé ( et financé en partie par Moscou).
Quelques jours avant, s'est constitué le MRP (Mouvement républicain populaire). Georges Bidault en est l'un des fondateurs. Le mouvement refuse l'appellation '' démocrate-chrétien'' par souci de laïcité et par refus de toute allégeance religieuse. Ses précurseurs sont le catholicisme libéral de Lacordaire, La Mennais et Albert de Mun (proche de la comtesse de Sallembier) ; on évoque également le Sillon, avec Marc Sangnier qui fonde en 1912 la ligue de la Jeune République. Le 10 juillet 1940, les quatre députés JR ont voté contre les pleins pouvoirs à Pétain. Beaucoup des membres vont rejoindre le MRP.