Monsieur Macron et Madame Borne estiment que si nous ne voulons pas de la réforme des retraites, c’est parce-que nous n’avons rien compris, qu’il faut faire preuve de pédagogie pour que les manifestants cessent d’embêter ces pauvres Français qui ne rechignent pas à aller au travail, eux.
A mon tour d’expliquer, en petite française de province : il y avait avec moi 60 000 manifestants à Bordeaux le 19 janvier, sous une pluie aussi glaciale que battante. Mais on était là. On est là, on est là, même si Macron le veut pas, nous on est là (air connu). 60 000 personnes à Bordeaux, et aussi vraiment beaucoup ailleurs : une horde de non comprenants, de gens à qui il faut tout réexpliquer depuis le CP ? nous avons besoin de pé-da-go-gie, il a dit le patron.
Pédagogie ? no problem. Parait même que c’est un peu mon boulot. Donc pour les gens qui ne comprennent pas pourquoi il y a manif et re-manif, messieudames du gouvernement, nantis de tout poil : les travailleurs se battent pour que la retraite soit un avenir atteignable, pas un horizon qui se défile au fur et à mesure qu’on avance. On piétine le pavé encore et encore parce-que les règles du jeu qui changent en cours de partie, ça suffit (quand j’ai débuté, la retraite était à 60 ans et les fins de carrière pouvaient être à temps partiel avec faible baisse du salaire ; aujourd’hui, c’est 62 ans et les demandes de temps partiel, avec salaire tout aussi partiel, sont de plus en plus refusées « pour les besoins du service »). On fait bain de foule pour défendre les acquis sociaux que nos parents et nos grands-parents ont durement négocié, et qui leur ont permis de mieux vivre. Qu’est-ce qu’on laisse aux jeunes, d’ailleurs nombreux dans le cortège bordelais aujourd’hui ? un modèle à l’américaine, l’enfer du chacun pour soi ? parce-que après les retraites, que détricotera le gouvernement ? les 35 heures (les salariés du privé vont adorer se faire sucrer les RTT) ? la sécurité sociale ? l’assurance chômage ? l’école gratuite ?
Bordeaux – Manifestation du 31 janvier 2023Aujourd’hui à Bordeaux, le départ de la manif était fixé sur la place des Quinconces, la plus grande d’Europe. Il fallait bien ça pour mettre en route 75 000 manifestants. Et comme la pédagogie, c’est l’art de répéter, s’il faut y retourner, nous y retournerons.