dans une baie inconnue accolée au cœur,
un esquif de fortune où l'on réunirait les figures
des filles et des femmes que l'on a connues, passantes
d'une nuit ou compagnes de plus longues escapades.
Au prisme des souvenirs nous revisitons
en pensée leurs géographies charnelles,
étonné de les retrouver sans ombre,
avec des détails charmants, quand la chair
délicieusement indiscrète, laisse voir
des splendeurs comme au col des coquillages marins.
Toutes ces images réunies des amours furtives
nous habitent l'intime ; on en vient insensiblement
à ne plus habiter qu'en elles. C'est alors la tentation
de prendre place dans l'esquif de fortune que l'on
s'est créé et de se laisser aller au gré du courant,
le regard seulement accroché au sillage
que l'embarcation sans bruit tire derrière elle.
Jean-Pierre Otte, Sur les chemins de non-retour, poèmes, Revue Nunc | Éditions de Corlevour, 2022,p. 57