Vendredi16 mars : Drieu la Rochelle a été trouvé mort dans la matinée, au 23 rue Ferdinand, dans un appartement de Colette Jéramec. Il a succombé à une dose massive de somnifères et une asphyxie au gaz d'éclairage. Une instruction venait d'être ouverte contre lui, et le considérait comme en fuite. il meurt dans les bras d'une juive, Colette prévenue par Gabrielle, sa cuisinière-gouvernante..
Mauriac ne pouvait pas ne pas réagir à la mort de celui pour qui, il avait une certaine considération. Il le considérait comme un " enfant perdu que nous n'avons pas été dignes de sauver ". Mauriac avait célébré '' Blèche'' de Drieu (1928), beaucoup aimé - comme Lancelot d'ailleurs - '' Gilles '' : un livre " essentiel, vraiment chargé d'un terrible poids de souffrance et d'erreur ".
Drieu est passé de sa recherche d'un néo-socialisme à poigne, à l'engagement dans la collaboration. Mauriac dans le Figaro écrit que Drieu ne pardonnait pas à la France, sa faiblesse. Et comment, alors, lui-même a t-il pu céder " au vertige du vaincu que grise l'odeur de son vainqueur. " ? Puis, " il découvrit que ce vainqueur bien-aimé était lui aussi un faible, que le Grand Reich n'était pas si grand devant la Russie soviétique. "
Cependant, Lancelot fait partie de ces quelques uns qui gardent un certain respect et même un peu d'amitié pour celui qui rêvait d'être un Viking. Lui-même, nous exhortait : " Soyez fidèles à l'orgueil de la résistance comme je suis fidèle à l'orgueil de la collaboration. Ne trichez pas plus que je ne triche. Condamnez moi à la peine capitale. Nous avons joué. J'ai perdu. Je réclame la mort. " ( Drieu la Rochelle - Récit secret (1944, rendu public en 1961) )
C'est insuffisant, bien sûr, mais Drieu a aidé André Malraux, et précisément Clara sa femme d'origine juive, il a sauvé Jean Paulhan arrêté par la Gestapo en 1941, alors que l'on venait de trouver chez lui, la ronéo servant à l'édition clandestine des ''Lettres Française''.
Août 1944 : Emmanuel d'Astier, un ami de Drieu, devenu ministre de l'intérieur dans le GRPF est venu lui proposer de le faire passer en Suisse. Voyage sûr, dans une voiture du ministère. Il a refusé.
Je profite de le nommer, pour évoquer Emmanuel d'Astier de La Vigerie ( 1900-1969). Il a partagé avec Drieu, beaucoup de ses errements de l'entre-deux-guerres, et cependant, dès 1940, il s'est refusé à entériner la défaite, il a dénoncé l'accord entre Pétain et les nazis, pour se retrouver finalement du côté de la résistance.
D'Astier après avoir démissionné de la marine, s'était essayé dans une carrière littéraire, avant de devenir journaliste, soutenu par Drieu, d'abord dans l'Action Française, puis à l'hebdomadaire Marianne sous la direction E Berl. Il rejoint la gauche, admire Doriot, dans les années trente.
Je m'interroge sur les causes d'un tel engagement dans la résistance ; aussi remarquable, qu'il est précoce, immédiat. En général, l'antériorité du combat politique l'explique, pourtant ce n'est pas suffisant. Peut-être, observe t-on, dans une telle occasion, une modification brusque de l'environnement social de la personne ; une réaction émotive forte, la sensation d'un écart trop important entre le nouvel ordre du monde imposé et ses propres valeurs, et enfin le désir, de passer à l'action directe ? Tout ceci était réuni pour Emmanuel d'Astier.
Après plusieurs autres mouvements, il crée avec Jean Cavaillès le mouvement ''Libération-Sud''. Dans la clandestinité, il est 'Bernard', puis 'Merlin'. ... !
''Libération'' est l'un des premiers mouvements de résistance, c'est aussi un journal : 53 numéros paraissent dans la clandestinité, pour condamner le régime de Vichy qui a trahi. En quoi... ? Le premier point de rupture a été l'armistice ; ensuite il a collaboré politiquement, militairement, économiquement, Vichy a parié sur une victoire allemande, et accepté la domination hitlérienne. '' Libération '' a critiqué également l'idéologie de la ''Révolution Nationale'' et lui attache la persécution des juifs, des francs-maçons, la censure, la suppression des libertés...
Emmanuel d'Astier, très grand, le visage droit, le profil rectiligne, en impose ; il a du charme et du charisme. Il écoute, essaie de comprendre son interlocuteur. Il attire la confiance, et devient le chef respecté par la pratique des responsabilités au jour le jour.
En novembre 43, il part pour Alger, réclamer, à de Gaulle, des armes pour la résistance. Cadre de la résistance, il fait partie du Gouvernement Provisoire de la République (GRPF) .