Depuis 1939, les découvreurs de la fission nucléaire sont en lice, pour le Nobel. Ainsi, le Nobel de chimie ( 1944) est décerné à Otto Hahn ( mais sans Lise Meitner...!) en novembre 1945. En effet, Otto Hahn identifie que sous l'action des neutrons, le noyau de l'uranium est capable de se scinder en plusieurs fragments, et Lise Meitner comprend et explique le processus physique en jeu, et notamment l'origine de l'énergie libérée lors d'une fission.
Ce prix Nobel venait d'être illustré quelques semaines précédemment par une nouvelle qui frappent de stupeur Anne-Laure de Sallembier, Lancelot et Geneviève. Cette bombe atomique a pris réalité ce 6 août 1945 à Hiroshima ; elle a rasé à 70% cette ville de 310.000 habitants.
Parmi les premières réactions, nous remarquons, la considération portée à '' la bombe '' comme une application scientifique majeure...
Dans un article de France-Soir du 10 août, le scientifique Louis de Broglie ( prix Nobel) écrit : " Pour la première fois, l'homme a su utiliser au gré de sa volonté une part des énormes réserves d'énergie qui sommeillent au cœur des atomes. ( ... ) Une grande étape se trouve ainsi franchie et rien n'empêche d'envisager que, dans un avenir plus ou moins prochain, les hommes ne puissent se servir à leur guise des immenses quantités d'énergie que la matière recèle. Les durs temps que nous vivons font que la première application de cette puissance nouvelle sert à l'augmentation des moyens de destruction, mais on peut espérer qu'une fois maître des énergies intra-atomiques l'homme saura en faire des applications plus bienfaisantes. ( ... )
Tout nous fait présager qu'une ère nouvelle va s'ouvrir : l'ère de l'utilisation des énergies atomiques. "
Le 18 décembre 1945, Frédéric Joliot-Curie, devenu le nouveau directeur du CNRS et bientôt Haut-Commissaire au Commissariat à l'énergie atomique, exprime devant l'Académie nationale de Médecine, sa foi en la science, malgré l'horreur :
" Hélas ! C'est par le fracas de l'explosion de Hiroshima que cette nouvelle conquête de la science nous fut révélée. En dépit de cette apparition terrifiante, je suis convaincu que cette conquête apportera aux hommes plus de bien que de mal. "
Et, le journal Le Monde, rajoute, le 20 décembre 1945 :" Que le monde fasse confiance aux physiciens, l'ère atomique commence seulement. "
Dans '' France-Soir '' du 4 novembre 45, Albert Einstein s'inquiète du ''pouvoir destructeur de la guerre" ; il considère la bombe atomique comme un danger pour l'humanité, aussi Einstein fait une proposition révolutionnaire: " Je ne crois pas que le secret de la bombe doive être donné à l'Organisation des Nations Unies. Je ne crois pas qu'il doive être donné à l'Union soviétique. (...) Le secret de la bombe doit être confié à un '' gouvernement du monde''(...). Un tel gouvernement doit être fondé par les Etats-Unis, l'Union soviétique et la Grande-Bretagne, les seules trois grandes puissances disposant d'une grande force militaire. ".
Einstein ne pense pas que l'ONU puisse être efficace. De plus, il ajoute que : " o n doit en finir avec ce concept de non-intervention " , ce doit même, être " une des conditions de la sauvegarde de la paix ".
" Dois-je craindre la tyrannie d'un gouvernement du monde? Évidemment. Mais je crains encore davantage l'éclatement d'une ou de plusieurs nouvelles guerres ", écrit-il dans France-Soir.
Albert Camus, dans son éditorial du 08 août 1945, réagit dans Combat : " le monde est ce qu'il est, c'est-à-dire peu de chose. C'est ce que chacun sait depuis hier grâce au formidable concert que la radio, les journaux et les agences d'information viennent de déclencher au sujet de la bombe atomique. On nous apprend, en effet, au milieu d'une foule de commentaires enthousiastes, que n'importe quelle ville d'importance moyenne peut être totalement rasée par une bombe de la grosseur d'un ballon de football. Des journaux américains, anglais et français se répandent en dissertations élégantes sur l'avenir, le passé, les inventeurs, le coût, la vocation pacifique et les effets guerriers, les conséquences politiques et même le caractère indépendant de la bombe atomique. Nous nous résumerons en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie. Il va falloir choisir, dans un avenir plus ou moins proche, entre le suicide collectif ou l'utilisation intelligente des conquêtes scientifiques. "
L'opération Epsilon, que Lancelot a suivi pour le gouvernement français, s'est conclue en Angleterre, dans un manoir de la campagne anglaise, Farm Hall, lieu de séjour des 10 physiciens nucléaires allemands soupçonnés d'être impliqués dans un programme d'armes atomiques nazi - dont Werner Heisenberg, Max von Laue, Otto Hahn et Carl Friedrich von Weizsäcker. Les conversations des ''invités'' ont été secrètement enregistrées. Le 6 août 1945, ils ont du mal à accepter la nouvelle. Otto Hahn culpabilise, Heisenberg n'imaginait pas que les américains puissent être si avancés; il s'enferme dans sa chambre, comment ont-ils fait ?