Coup de poignard

C’est l’info qu’on ne veut pas avoir, que l’on déteste voir classer dans la case « faits divers » par Sud-Ouest, mais Sud-Ouest en fait quand même des tonnes parce-que c’est ici que ça se passe.
C’est l’info qui cloue au mur un jour qui pourtant commençait bien (le chat m’avait aidé dans la correction de copies en souffrance en dormant sur le dos, bien étalé dans son panier) et se continuait pas mal (2 heures avec les choupinets heureux de tout, même quand c’est difficile, que demande le peuple ?)
C’est l’info qui terrasse et à laquelle j’ai réagi connement : « merde, elle était plus jeune que moi ». Mais qu’est-ce que ça peut faire, l’âge ?
Nous faisions le même métier, même si ce n’était pas dans les mêmes types d’établissement (privé, public, on ne va pas en plus rallumer la guerre des écoles, c’est un autre débat qui serait d’une totale indécence ici).

C’est une collègue qui est morte, agressée en plein cours par un des ses élèves, un môme de 16 ans. Pour qui pour quoi, on l’ignore, l’enquête le dira peut-être.
C’est un assassinat, point. Une prof qui a été tuée parce-qu’elle était prof.
Ce sera une minute de silence demain. C’est bien le moins que nous puissions faire. Ensemble.
Une minute de silence à 15 h. Avec ma classe la plus minable, la plus désagréable, la plus merdeuse.
Le pire dans tout ça, c’est que c’est justement l’heure de cette minute de silence qui m’inquiète alors que je devrais juste être solidaire avec les proches de cette collègue. Rien de plus. Et les pensées sont sottement parasitées par ces élèves parmi les plus fourbes et les plus odieux qui m’aient été confiés.

Illustration : site web de Libé, 22/02/23