Ce n'est qu'après l'avoir vue que j'ai appris que le réalisateur était le grand Hirokazu Kore-eda, et que le scénario était d'après manga.
J'en avais entendu parler brièvement à la radio et les thèmes cités (Kyoto, cuisine japonaise, éducation, tradition) m'avaient ramenée 40 années en arrière...
Mon court séjour (professionnel) là-bas, mes surprises, le théâtre bunraku à Osaka, le son du shamisen... Je m'étais laissée bercer avec bonheur et parfois bousculer par l'étrangeté, le mystère des codes, la juxtaposition de la modernité extrême avec la tradition, le contraste entre le grouillement des grandes artères et la lenteur entrevue dans les temples et dans les petites rues vieillottes au pied des gratte-ciels.
Je ne pense pas que cette série de 9 épisodes de 45 minutes soit faite uniquement pour les vieilles occidentales nostalgiques de leurs voyages lointains et exotiques, mais ça a fonctionné au delà de mes espérances...
Visionnage totalement régressif !
Je viens de dire que j'avais connu un rappel d'émotions anciennes, pourtant la série, elle, est bien contemporaine.
Sumire et Kiyo sont deux adolescentes d'aujourd'hui, élevées modestement l'une par son père, l'autre par sa grand-mère, dans une petite ville rurale.
Les deux amies décident de s'inscrire ensemble dans une école de geishas à Kyoto.
En quatre saisons (érables roux, neige, fleurs de cerisiers, fruits et légumes), on suit leur intégration : Sumire est très douée, Kiyo plus pataude (mais si charmante et débrouillarde !) se résigne à abandonner son rêve et s'invente une formidable reconversion en proposant de devenir la cantinière, la makanai, de l'école des maiko.
Les maiko sont des geiko (ou geisha) en devenir. Avant ça elles ont le statut d'apprentie maiko, et encore avant de novice quand elles intègrent l'école-maison (yakata) où elles vont être formées. A l'autre bout de la chaîne il y a les mères, anciennes geishas chargées des apprentissages et de la gestion de la maison. Des novices, des soeurs, des mères !
Au moins dans le scénario de la série, pas de contraintes, pas de harcèlement, pas de bizutage ; tout se passe dans la bienveillance, la délicatesse, l'élégance...
Les jeunes filles sont éduquées à un art qui peut paraître désuet, mais qui mérite d'être sauvegardé et qui n'a rien à voir avec la prostitution.
Leur danse traditionnelle (mai) à l'éventail s'intègre dans l'art du kabuki qu'elles sont chargées de perpétuer.
Les hommes ne pénètrent pas la maison-école (sauf pour des besoins en bricolage !) ; ils veillent benoîtement sur le confort des jeunes pensionnaires. Ils se réunissent dans le bar voisin (qui, étrangement, communique directement avec l'école) discutent de leurs progrès et font des paris sur leurs destinées artistiques respectives. Les maiko les plus confirmées les y rejoignent parfois pour partager les rumeurs du voisinage... et un cocktail !
Ce sont des hommes également qui coiffent, maquillent et habillent les maiko pour leurs spectacles, car cela aussi est un art et parfois un tour de force. J'ai admiré le making-of du maquillage au pochoir qui souligne la nuque de Sumire le jour de son intronisation.
Autre personnage “de l'extérieur” : Momoko, la geisha vedette issue de l'école. Elle aussi a son mot à dire sur le parcours des élèves. Sumire lui sert d'assistante et la raccompagne à son magnifique appartement moderne quand elle a noyé son chagrin d'amour et sa solitude dans trop de whisky. Très beau personnage, magnifiquement incarné, plus tragique et trouble que ceux des gamines. Il y a aussi un épisode un peu weird quand les jeunes filles montent pour le réveillon du jour de l'an une pantomime inspirée de La nuit des morts vivants, maquillage compris, mais en kimono !
Un régal délicieusement anachronique.