Alors que Lancelot suit - via la France - le rapatriement de dix physiciens allemands vers l'Angleterre ( Opération Epsilon) ; il apprend que le 2 mai 1945 - Wernher von Braun et son équipe qui travaillaient pour le compte des nazis sur le programme V1 et V2 - se sont rendus aux américains. Ils rejoindront les États-Unis, le 20 septembre 1945.
Lancelot insiste au sein de son ministère pour que l'armée française puisse intégrer en son sein une section, rattachée au 2e bureau, qui prospecte pour notre compte le recrutement de scientifiques allemands.
Le 17 mai 45, le général de Gaulle, dans une note secrète, ordonne : " Il y aura tout lieu de transférer en France les scientifiques ou techniciens allemands de grande valeur pour les interroger à loisir sur leurs travaux et éventuellement les engager à rester à notre disposition. ".
Aussitôt, une ''section T'' est intégrée à la Première Armée conduite par le général de Lattre de Tassigny. Dirigée par le colonel Gaston de Verbigier de Saint-Paul, elle regroupe des spécialistes militaires chargés de découvrir et d'exploiter toutes les usines et centres de recherche - situés dans la zone française - pouvant intéresser la Défense nationale. Cette zone du sud-ouest de l'Allemagne, abrite un potentiel scientifique important, concentré essentiellement dans le Wurtemberg-Hohenzollern et le sud du pays de Bade.
En parallèle, Frédéric Joliot-Curie, crée au sein du CNRS, une mission ( sous la responsabilité de M. Lwoff assisté de M. Berthelot) pour collaborer avec le section T ( nommée par les alliés ''french FIAT).
Seulement, les américains - plus rapides, plus déterminés, et craignant les sympathies communistes de Frédéric Joliot-Curie, s'emparèrent ( mission ALSOS) - dans la zone française - de matériels et de savants, comme Otto Hahn et de Werner Heisenberg.
La préoccupation principales des investigations alliées, concernait la capture de renseignements sur les recherches nucléaires allemandes.
Le 5 juin 1945, lors de la Déclaration de Berlin, les alliés organisent l'occupation de l'Allemagne. Ils n'ont traité avec aucun gouvernement allemand, et le régime actuel ayant été aboli; l'Allemagne se trouve dépourvu de gouvernement. L'état allemand est divisé en quatre protectorats : russe, américain, anglais et français.
En juillet 1945, Marie-Pierre Kœnig est nommé Gouverneur militaire de la Zone française d'occupation en Allemagne. Le quartier général des '' Troupes Françaises d'Occupation en Allemagne '' a son quartier-général à Baden-Baden. Cette zone comprend également les districts ouest-berlinois de Reinickendorf, et de Wedding.
Mandaté par son ministre, Lancelot se rend en zone française. Il constate les destructions dans Fribourg-en-Brisgau : étrange image que celle de la cathédrale de Fribourg qui se dresse en arrière-plan des ruines de la ville.
A Tübingen dont le château a été épargné, Lancelot fait une curieuse rencontre : celle de Friedrich Sieburg (1893-1964), auteur de Dieu est-il français ? (1929), qui dit se souvenir de la comtesse de Sallembier, croisée dans les salons, avant et pendant l'occupation.
Sieburg représente ces personnalités allemandes qui malgré leur engagement nazi, se disent francophiles. Sa liaison avec Louise de Vilmorin en 1933, est connue.
Son livre était devenu un best-seller, des deux côtés du Rhin. Sieburg y honorait la France comme cultivée et aimable, et la critiquait pour son arrogance nationale, fondée religieusement sur Jeanne d'Arc ( une femme...!).
En 1940, Sieburg devenait conseiller à l'ambassade d'Allemagne en France occupée. Il démissionna deux ans plus tard et retourna au Frankfurter Zeitun g en février 1943, qui fut cependant interdit en août de la même année. Le château de Sigmaringen, devenu une enclave française et collaborationniste, reçut son ambassade d'Allemagne, avec Otto Abetz et Friedrich Sieburg.
Très perturbé par sa ''guerre'', faite de batailles et de réconciliations avec sa deuxième épouse Dorothee von Pückler qu'il a épousée en 1942. Sieburg vit la moitié du temps sur le domaine de Dorothee, le Schloss Rübgarten, et l'autre moitié dans un appartement à Tübingen chez le professeur d'université Paul Kluckhorn. Sieburg précise que Kluckhorn est un spécialiste de la littérature des Xe et XIIIe siècle dans le sud-est de l'Allemagne, et connaît très bien Chrétien de Troyes et bien sûr Wolfram von Eschenbach.
Sieburg ne craint pas de scandaliser en affirmant bien fort que l'Allemagne ne peut accepter sa défaite, elle " ne peut que chanceler entre la grandeur surhumaine et la honte la plus profonde.", selon ses propres mots. Il s'adresse à Lancelot, comme s'il n'était pas ici, un représentant des alliés victorieux : " Ils veulent '' éradiquer '' le national-socialisme, ne sachant pas que ses ''idées '' ne peuvent pas être '' éliminées'' ; peu importe qui les reprendra ! ". Sa vision de l'avenir, semble bien inquiétante, il se dit persuadé que l'URSS prépare la prochaine guerre ''de civilisation'', que devront affronter bientôt, les ''démocraties occidentales''.
Le plus étrange est le parallèle, qu'il fait avec les relations dans le couple. Il attribue les échecs - qu'il semble avoir vécu au cours de deux mariages, en particulier le dernier ( avec Dorothée, née von Bülow et veuve comtesse Pückler) - à la ''femme'' qui serait " un être capricieux et obsédé par ses blessures, un être tourmenté qui devient le bourreau de celui qui ne peut s'empêcher d'y être attaché. " Il explique comment la catastrophe de sa relation avec Dorothée, s'apparente au désastre de la situation politico-militaire de l'Allemagne.