J e cherche quelque chose : une guérison par la voix.
Être immobile, fermer les yeux, écouter.
Je cherche : un lieu où l'on respire.
action de l'écoute, et de la voix.
Ce n'est pas une prière.
Est-ce comme une action ?
Avons-nous des questions ?
Quand laisserons-nous les armes ?
Serons-nous vulnérables ?
Nous n'aurons plus rien à défendre, aucune position, posture,
aucun territoire aucune loi, aucune parole placée au-dessus
d'autres, aucun nom ?
Nous serons exposés, au vent, à la blessure, à la morsure du soleil,
du sel, de l'amour véritable, de la beauté, à la morsure du
monde, nus,
Quelle main nous protègera ?
Quelle main nous portera ?
Quelle main nous soignera ?
Qui prendra soin de nous ?
Aucune, personne ?
Il n'y aura plus que les questions ?
Seulement les questions les plus simples ?
Nous seulement nous ?
Quelles seront les questions qui importent ?
Formuler des questions qui éclairent.
Traduisibles sans reste.
Des questions simples et qui suffisent.
Avons-nous besoin d'autre chose ?
Nous n'avons besoin de personne qui nous protège.
Nous n'avons besoin d'aucun nom.
Nous nous passerons de presque tout.
Peut-être finirons-nous par oublier où commencent nos corps, où
ils finissent, une fois défaite la fiction de nos noms ?
Alors, si tu te blesses, si tu perds connaissance, je lècherai ton
sang comme le mien, et lorsque tu rouvriras les yeux, je reviendrai
à moi.
Je n'ai pas d'idée de l'amour.
M'expliqueras-tu pourquoi je suffoque, quand d'autres se noient ?
M'expliqueras-tu pourquoi je ne suffoque pas, quand d'autres se
noient ? Auras-tu une explication pour ce qui me tord, me tiraille,
m'attire d'un côté, puis de l'autre, et pour ce trouble dans ma voix,
cette dissonance ?
Je ne sais pas comment tu vis.
Une parole qui soigne, est-ce que cela existe ?
Nous ne savons pas comment nous vivons.
Lucie Taïeb, " Est-ce comme une prière " in2022, pp.21, 22, 23.
Lucie Taïeb à Paris (septembre 2019) © Jean-Luc Bertini