aux Forges de Vulcain, mars 2023, 368 pages, 20 euros
Cette fois, on aura trois volets rassemblés dans une série, soit quatre titres !
Le titre de la série (La trilogie Baryonique) est sobre et inviterait normalement à extraire péniblement du fond de nos mémoire les notions de base de physique des particules qui y sont confortablement enfouies ; ce n'est vraiment pas la peine, il suffit de faire une confiance absolue à la pédagogie raufastienne : l'immersion.
Pour le titre du volume 1 (La Tragédie de l'orque), pas besoin non plus de consulter une monographie sur les ondotocètes ; l'orque en question est un vaisseau spatial spécialisé dans le forage de l'espace-temps et la recherche de ressources énergétiques liées à l'antimatière hors de notre système solaire ; son immatriculation (sa taillette, vocabulaire minier) est ORCA-7331 (pour : trente-et-unième lancement de l'année 2173).
Voilà que mine (!) de rien j'ai déjà distillé quelques données contextuelles qui vous auront permis de classer ce roman dans le genre science-fiction. Genre qui paraît-il ne manque pas de sous-genres (hard SF, cyberpunk, SF post-apocalyptique, voyage dans le temps, etc.). Pierre Raufast a un blog sur lequel il livre (un peu) ses projets, on y a lu ceci en juillet 2022 :
La science et les faits sont têtus. Les limites des sciences physiques sont universelles. Je milite pour un retour à la hard-SF, sans déplacement plus vite que la vitesse de la lumière, y compris pour les ondes électromagnétiques (donc pas de communication instantanée), avec des vieux rafiots qui n’iront guère plus vite que ceux d’aujourd’hui.
En science, il n’y a rien (et il n’y aura rien) de magique, et c’est ce qui fait toute la noblesse et la tragédie de la condition humaine. Nous sommes seuls sur une toute petite planète, noyée dans l’infiniment grand, et prisonnier d’un univers physique aux lois immuables. Comment nous dépatouiller de cela ?
En vérité, parler de science-fiction revient à parler de l’humanité : de nos mythes passés et à venir. C’est un exercice passionnant et revigorant.
Mon conseil de lectrice : mettre un marque-page pour atteindre facilement la Brève chronologie sur l'antimatière située en fin de volume. Elle démarre en 1928 avec la découverte (théorique) de l'antimatière par Paul Dirac, observée et validée en 1935, puis expérimentée en 1995 au CERN.
Pierre Raufast part de cette réalité scientifique historique pour extrapoler une branche du développement des recherches sur la fusion nucléaire, les trous noirs, l'antimatière...
Sur cette échelle de temps, il place dans les années 2070 (demain, donc !) les conséquences catastrophiques du dérèglement climatique ayant décimé quatre milliards de terriens, suivies de la Grande Migration et d'un nouvel équilibre nord-sud (la Norvège deviendra par exemple un pays réputé pour ses grands crus !).
Le vingt-et-unième siècle aura donc été particulièrement difficile et destructeur dans l'histoire de l'humanité. Des leçons vont être tirées au siècle suivant. La confiance aveugle dans le progrès des technologies, notamment dans l'intelligence artificielle, sera fortement remise en question, de même que l'espoir en la course aux étoiles. On s'occupe en priorité de réparer la Terre. Une fois le problème énergétique résolu grâce à la fusion nucléaire (production d'énergie propre et quasi infinie), on va modestement s'atteler à l'amélioration des performances en informatique quantique, et notamment à la miniaturisation des systèmes-experts embarqués dans les vaisseaux spatiaux. Mais on n'y est pas encore, et en 2173, les gisements d'antimatière espérés n'ont pas encore été découverts.
Alors oui, il s'est passé des choses en cent cinquante ans mais il reste des invariants avec ce que nous vivons en 2023 ; c'est Pierre Raufast qui parle :
Pour moi, un récit de science-fiction est une histoire dont le cadre spatio-temporel n’est pas celui du temps présent. Le reste ne change pas : la psychologie des personnages, la cohérence narrative, l’intensité dramatique des situations, les valeurs instillées par l’histoire.
À quoi je rajoute, pour préciser : les conflits entre générations (dans et hors de la famille), les mesquineries entre administrations jalouses de leurs prérogatives et subventions, les querelles de service, les manipulations de l'information... Tout cela alimente le drame que vont vivre Sara la commandante de l'ORCA-7331 et son lieutenant, la singulière et mystérieuse Slow. Leur vaisseau victime d'une avarie sévère est perdu hors du système solaire. Le trou noir qu'il a creusé pour changer d'espace-temps menace d'engloutir les planètes les plus proches dont la Terre. Un autre Orca en fin de mission qui s'apprêtait à revenir sur Terre est détourné pour aller refermer le trou noir et accessoirement sauver l'équipage en détresse.
En résumé : pour la forme La tragédie de l'orque est un roman de hard science-fiction (base scientifique établie, extrapolation prudente) et un space opera (le voyage, le suspens de la catastrophe spatiale). Et pour le fond, c'est le début d'un passionnant récit d'aventures truffé d'anecdotes farfelues et d'humour qui nous laisse à la page 358 au bord d'un précipice (cliffhanger), entre crainte et espoir, comme il se doit.
Le prochain volume (Le Système de la tortue) sera publié en octobre 2023, et le troisième tome (Le Dôme de la méduse) sortira en mars 2024.
Merci Babelio, wawao aux Forges de Vulcain, pour ce service presse associé à une soirée-rencontre avec Pierre Raufast le 3 avril 2023.
Je ne suis pas une grande poseuse de questions, mais je vais essayer avec celle-ci :
— à bord de l'ORCA-7331, Slow lit des multiromans ; qu'est-ce qu'un multiroman en 2173 ? à quoi cela ressemble-t-il ?