Magazine Talents

Gréviste invisible

Publié le 06 avril 2023 par Zappeuse

Je suis en grève, et le service comptable dont je dépends va en tenir compte : il y aura bien 1/30e de mon salaire déduit. Par contre, ma grève d’aujourd’hui ne sera jamais transmise aux médias peu au fait du mode de calcul, qui indiqueront immanquablement un taux de grévistes très bas chez les enseignants du second degré. D’où vient ce tour de passe-passe ? Il convient de rappeler la règle du calcul du taux de grévistes chez les enseignants des collèges et lycées, puis d’effectuer un petit exercice de calcul. Procédons.

Lorsqu’un préavis de grève est déposé, les enseignants du second degré, à l’inverse de ceux des écoles primaires, ne sont pas obligés de se déclarer grévistes. Ils ne viennent pas assurer leurs cours ce jour-là, point. L’administration de l’établissement procède donc au comptage des absents au fil de la journée, pour que les salaires soient dûment amputés, mais ne communique au ministère que le nombre de grévistes à la première heure de cours de la journée. Dans mon établissement, les cours commencent à 8 heures. Les enseignants grévistes dont les cours commencent plus tard ne sont donc pas comptés (sauf pour la feuille de paie, on l’a bien compris).
Il faut ensuite établir le taux de grévistes, car c’est ce chiffre que retiennent et transmettent les principaux médias. Ce taux n’est pas calculé en fonction du nombre d’enseignants attendus en première heure, mais en fonction du nombre total d’enseignants de l’établissement, y compris ceux qui n’ont pas cours ce jour-là.
Prenons un établissement de 100 professeurs (chiffre courant en lycée, et bien pratique pour le calcul) dans lequel 20 profs commencent à 8 heures un jour de grève (mais 60 commencent plus tard, comme moi, et 20 n’ont pas cours ce jour-là). Sur ces 20 profs commençant à 8 heures, 10 sont en grève. 10/20 = 50% de grévistes à 8 heures. Logique. Sauf que le calcul retenu est le suivant : 10/100 = 10 % de grévistes. Cela n’a évidemment pas le même impact. Mais c’est ce pourcentage qui est retenu et porté à la connaissance du grand public, permettant au gouvernement de voir un signe d’essoufflement du mouvement.

La grève a donc, dans le second degré du moins, un impact très faible, en tout cas bien plus faible que les manifs dans les rues sur le coup de midi. Dans ce cas, pourquoi ne pas juste débrayer à l’heure de la manif, et assurer ses cours avant et/ou après ? Parce-qu’une seule heure de grève est ponctionnée sur le salaire de la même manière qu’une journée entière : 1/30e de la paie en moins, et ça finit par faire un paquet de pépètes. C’est pourquoi, pour être à la manif à midi, je suis en grève toute la journée et pas seulement cet après-midi, tout en étant non comptée dans les statistiques diffusées au bon peuple de France.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Zappeuse 1046 partages Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine