Anne-Laure de Sallembier continue de suivre, par correspondance au moins, l'enseignement des Maritain.
Jacques Maritain est, de 1945 à 1948, ambassadeur de France auprès du Vatican. Il participe à la fondation, en 1950, du Congrès pour la liberté de la culture. À cette époque des doutes s'élèvent contre la Salette, Jacques Maritain remet à Pie XII une note défendant la voyante Mélanie et l'apparition. Son mémoire est transmis par le pape au Saint-Office.
Avec, les pleurs de la Mère de Dieu, et le ''secret'' de la Salette (1846), Maritain voit le signe d'une interprétation de l'Histoire : il partage l'idée de Léon Bloy " Dieu va parler par les faits ". autrement dit : on peut trouver dans les événements historiques, un matériau à l'aide duquel comprendre ou interpréter la volonté de Dieu , à la lumière d'une exégèse appropriée des textes saints.
" La Salette n'est pas que du passé, comme le croit Claudel, c'est la clef du présent et de l'avenir, la clef de l'abîme. (...) le monde et tout ce qui a une place dans le monde va subir l'immense ébranlement dont se réjouit le magnificat, et entrer dans le secret de la Justice divine " ( J. Maritain, L. Massignon, Correspondance ) .
" pour moi, c'est de plus en plus autour de la Salette que se concentre la vie de mon âme. Il me semble qu'il y a dans les larmes de Marie sur notre terre de France un mystère qui répond au Consummatum est du Calvaire, et qui est aussi infiniment vaste et inscrutable " Correspondance Maritain - Massignon
Maritain parle de ''souffrance de Dieu'', ce qui pourrait paraître comme une imperfection divine ! " Il faut tenir au nombre des perfections du Dieu infiniment bienheureux, l'éternel exemplaire, en lui, de toute la douleur humaine. " Je traduis : Dieu trinité est pleinement humain en Jésus. Notre Dieu est un Dieu crucifié. Souffrir est l'apanage de la vie et de l'esprit, c'est la grandeur de l'homme, nous dit Bloy, selon Raïssa Maritain.
Manifestement, cette expérience de spiritualité ne convient pas à Pauwels ; il semble à la recherche d'un maître à la hauteur d'un Guénon, et confie à Lancelot son intérêt pour les spiritualités de l'Orient, avec lesquelles l'apprenti est guidé dans les profondeurs de l'être.
Quand Lancelot parle Christianisme, ou cite Bernanos, quand il écrit qu'il n'y a qu'une douleur, celle ne n'être pas un saint ; Pauwels est insatisfait de ne pas savoir ce qu'est un saint ; certainement pas une description de vertus morales, et surtout qu'en est-il du récit du voyage pour arriver jusque là ? Comment fait-il s'y prendre ?
N'est-ce pas la douleur de la foi ? - Non pas la foi en ceci ou cela... Mais, la foi en l'espèce humaine. Quel est donc ce commun entre tous les saints, qu'il soit saint Bernard ou un grand yogi, ou un poète ?
Pauwels raconte que c'est à la suite de la lecture de son livre '' Saint Quelqu'un'' ; qu'on le conduisit chez Gurdjieff . Une des premières phrases de cet enseignement était : " Sauf exception rarissime, les hommes ne sont pas des êtres accomplis. Nous sommes des ébauches d'hommes, non pas des hommes. "
Pauwels continue son questionnement, alors qu'il commence à peine l'Enseignement : " je veux changer, mais qui veut changer en moi ? J'ai mille ''je'', mais pas de ''Je'' ! Je n'ai pas de moi immuable et permanent, A chacune de mes pensées, de mes humeurs, de mes désirs, je crois engager tout Pauwels. Mais où est tout Pauwels ? "
En 1948, également, Arnaud Desjardins ( 23 ans) est introduit dans les groupes Gurdjieff, patronnés par Jeanne de Salzmann. Il témoigne : " Là, j'ai pour la première fois compris qu'il existait des méthodes ou des techniques susceptibles de m'aider à changer en profondeur, c'est-à-dire à transformer mon être, mon niveau de conscience ; cette découverte a véritablement été le point de départ de ma recherche. "