Fin mars, mon éditeur m’avait promis que le montant de mes droits d’auteur me seraient versés incessamment. Il y a une semaine, je consultai donc mon compte bancaire pour en vérifier la concrétisation. Et là, horreur, je lis que des prélèvements intempestifs y ont été effectués au bénéfice de la société SFR, mon fournisseur d’accès à internet. Après recherches, je constate qu’ils concernent un raccordement à la fibre suivi d’un abonnement à une adresse à Bobigny. Vu que mon domicile n’est nullement sis à Bobigny et que je ne jouis d’aucun raccordement à la fibre, je les conteste évidemment illico par courrier au service des réclamations. Trois jours plus tard, un courriel m’informe qu’il ne leur est pas possible d’accéder à ma requête puisque je n’apporte pas la preuve de mon identité ni de mon adresse. Ils possèdent pourtant l’une et l’autre puisque je suis déjà client chez eux et que je leur règle, chaque mois, comme prévu par le contrat qui nous lie, les sommes dues à ce titre.
Je m’interroge néanmoins sur la manière de procéder. Je peux prouver mon identité, même si, parfois, je m’interroge encore. Je peux également prouver que j’habite là où j’habite. Mais comment prouver que je n’habite pas là où je n’habite pas ? Qu’importe ! Je fournis les documents administratifs dont je dispose en espérant que cette vilaine histoire trouvera bientôt une fin heureuse pour toutes les parties. J’avais tort.
Nul n’est parfait. Je souffre moi-même, parfois, d’une certaine tendance à la modestie. C’est pourquoi je suis tout à fait disposé à accepter l’idée d’une erreur de saisie informatique. La personne en charge de l’effectuer pouvait avoir mal dormi la nuit précédente, être en souci à cause du rhume de son enfant ou, pire encore, avoir reçu confirmation de la visite de sa belle-mère le weekend suivant. En un mot, il suffisait, pensai-je, que rectification soit faite en quelques clics bien placés et l’affaire était classée. Hélas, je reçois en retour de mon courrier postal, toujours par courriel bien sûr, l’injonction de fournir un justificatif de dépôt de plainte en bonne et due forme.
J’étais jusqu’ici assez satisfait des services de cette entreprise de téléphonie honorablement connue sur la place, cotée en bourse et tout et tout. L’assigner en justice me fend le cœur mais puisqu’il le faut … Je téléphone donc à la gendarmerie dont je dépends et demande comment je peux procéder. Et mon aimable interlocuteur de me renvoyer sur le site internet PERCEVAL parce qu’ils sont aujourd’hui totalement submergés par les trop nombreuses plaintes de cet ordre qui pleuvent sur eux comme vache qui pisse, comme disent les Normands. En d’autres termes, il avoue sans le dire qu’ils ont autre chose à faire qu’à s’occuper de ces peccadilles. Je compatis, le remercie de son accueil et interroge le fameux chevalier de la table ronde sans perdre de temps.
Le temps, en effet, joue un rôle primordial lorsque vous voulez déposer une plainte car il faut en disposer de beaucoup et de libre. Même un septuagénaire à la retraite risque de n’en avoir pas suffisamment à sa disposition. Il convient d’abord de bien qualifier votre requête et, pour ce faire, comprendre le galimatias qui s’affiche sur votre écran. Un site internet commercial va faire la liste de vos besoins ou envies et vous proposer les solutions qu’il peut vous apporter, moyennant finances bien entendu. Un site administratif, gratuit par ailleurs, procède tout à fait à l’opposé. Il fait la liste de ses propres définitions et à vous, ensuite, de vous y retrouver. On y cause ainsi non seulement en langage procédurier mais également ici ou là en anglais. Pour un lecteur friand du latin de Cicéron et du grec d’Homère, le recours à du charabia étranger est presque rédhibitoire. Ils fournissent toutefois, en cas de besoin, l’adresse IP de divers organismes de l’Etat pour vous aider. Qu’à cela ne tienne, je consulte le premier d’entre eux. On me répond, dans un carré rouge sang sur écran blanc, qu’il est saturé : recontactez-nous ultérieurement. Le second, lui, ne répond pas du tout. Le troisième est en travaux de reconfiguration : pour mieux vous servir !
Je décide dès lors de suspendre ma quête et d’envoyer un nouveau courrier au service des réclamations de la Société SFR où je modifie les termes de ma demande dans l’espoir qu’elle sera, cette fois, appréciée à sa juste valeur. En l’attente, madame monsieur, veuillez agréer … La réponse tombe trois jours après : portez plainte pour usurpation d’identité.
Affaire à suivre, donc !
PS. Je suis toutefois rassuré par ailleurs. Mon compte bancaire a bien été crédité de la somme de 17,99 euros représentant mes droits d’auteur pour l’année 2022. Je n’ai pas encore bien réfléchi à l’utilisation que je pourrais en faire.