« ll y a un mois son frère est mort. Plus jeune qu’elle, il n’aura pas connu le luxe d’additionner les années. C’est son départ qui a mis la promeneuse en mouvement. Sa vie à elle exigeait une coupure. Sinon on ravale sa peine, puis on revient à ses pantoufles. À son existence engluée. »
La promeneuse, Lise Blouin
« Notre mère aurait pu s’accommoder de cela, je crois. Deux.
Quiteria et moi. Des jumelles, simplement jumelles, normales.
Précieuses. Adorables. Elle et nous, une petite équipe.
Mais pas neuf.
Neuf, ce n’est plus une équipe. Ou alors elle n’en fait pas
partie. Neuf, c’est assourdissant. Neuf, c’est impossible, c’est sa
vie qui s’achève, une vague après l’autre. Qui ne lui appartient
plus. »
N’ayons pas peur du ciel, Emma HooperDebout de vos absences, Mélanie Noël
« Je suis là et heureuse dans un monde où l’on se bat pour s’en souvenir. J’ai Maxime, mon mari, que j’aime. Il me fait souffrir au quotidien pour être certain que je reste en vie, m’abandonne à petit feu pour me préparer à sa mort, me trahit parfois pour me rendre plus forte, m’ignore pour que je me dépasse et qu’il puisse enfin m’apercevoir. Il dort à quelques mètres de la pièce d’où je t’écris. Il y a l’Autre. Qui ne mérite pas son nom de baptême dans mon histoire. Et il y a toi. »
« Il était prévu que je m’efface, comme chacune fait la nuit, que je m’assoupisse, qu’à l’obscurité je dévoue mon temps, exempté de vigilance sur les chemins de la léthargie, que je me livre à un rêve au nom de la catharsis, prisonnière de l’inconscient de jusqu’au matin. Et alors que j’étais au lit dans le noir, nulle part entre la veille et le lendemain, le repos me parut absurde par trop d’agitation. J’étais exalté soudain. Excité sans raison. À défaut de sommeil, l’urgence de vivre transperça ma personne comme l’aiguille de la foudre dans le nuage éteint. Je devins incapable de m’engourdit dans les sables mouvants du lit, dormir c’est aussi renoncer à la vie, une mort profane, on dort ainsi qu’on démissionne, tel un suicide fugitif, mais ce soir-là, j’avais soif d’éclore, et comme les écorchés vifs, je me désolidarisai de toute forme de mort. »Nue, Salomé Assor
En lisant les extraits des livres ci-haut nommés, je n’ai qu’une hâte : lire la suite.
J’ai compris cette nuit, entre 4 et 6 heures — heures pendant lesquelles je suis souvent réveillée, heures où tant d’écrivains se lèvent pour travailler, heures, comme l’écrit si bien Salomé Assor, où trop d’agitation, excitée sans raison — pourquoi ce sont ces livres-là que j’aime en tout premier et non d’autres.
On n’y entend pas le son du ruisseau ni le bruit d’une cascade lointaine. On n’y voit pas le soleil rougeoyant à travers les nuages, les montagnes violacées qui annoncent la chaleur du jour.
Tout de suite des personnages. Tout de suite, et pendant plusieurs pages, des pensées.
Je veux bien que les auteur·e·s fassent appel aux cinq sens pour des descriptions plus prégnantes. Personnellement, quand je lis, je ne veux pas nécessairement voir ou entendre ou goûter.
Quand je veux voir, je ne lis pas, je regarde des photographies ou je me remémore des lieux aimés.
Quand je veux entendre, j’écoute de la musique.
Cette nuit, j’ai pris plaisir à me remémorer la belle chute aperçue sur la route 323 près de Tremblant. Je la voyais. Comme une image, comme une photo. Je n’ai eu nullement besoin de mots.
Et j’ai réentendu la petite cascade du ruisseau Sam près de chez nous. Quelle musique apaisante. Je n’ai eu nullement besoin de mots.
Alors quand je lis, je saute très souvent, presque toujours les descriptions. Dans les livres, je veux des personnages, des relations, des émotions. Pas un film.
Pourtant, oui, quand j’ai écrit mes romans, il y avait du soleil ou des tempêtes ou des cris. Mais je le sais maintenant, c’était pour plaire aux lecteurs, aux éditeurs. Comme une norme. Une prescription technique. Une règle apprise dès ma cinquième année dans ces chères compositions que je détestais : décrivez l’automne.
Aujourd’hui, très contente de lire des textes sans trop de descriptions. Direct au but.
Pourtant, paradoxe ambulant, j’ai beaucoup aimé Adrienne Mesurat de Julien Green. Tout le contraire... et puis peut-être pas tant : de longues descriptions des états d’âme, ce n’est pas comme faire le tour interminable de la maison ou du jardin.
Et merci à Biblio-Outaouais de nous offrir l’onglet « Suggérer un achat ».
Petits bonheurs du jour. Je me sens gâtée. Aujourd'hui, j'aime les mots. Demain, j'aimerai les photos.