Béatrice Bonhomme | Prix Mallarmé 2023

Publié le 14 juin 2023 par Angèle Paoli

L'Être (Extrait)

L'éclat de la lumière
Les plateaux enneigés
L'ont rendu à sa solitude.

Nul ne l'a saisi et emporté
Aucun bras protecteur
Il est dans le froid du monde
Avec sa vaillance claire
Et son constat sans merci.

Blotti au creux du rien
Quelqu'un pourtant garde la lumière.

J'ai édifié huit chants, huit séquences car j'aime la perfection du chiffre 8, dont on peut vérifier l'harmonie octogonale dans certains monuments. L'idée est celle d'une architecture avec une dimension chiffrée qui va vers l'être que nous portons en nous.
Deux initiatrices accompagnent le cheminement, deux figures tutélaires féminines. Juste après une séquence introductive sur le lien symbiotique au monde :

" Devenir d'arbre ", la grand-mère intervient qui donne la couture, la broderie, le tissage :

" Le Cœur de la brodeuse ", puis, plus tard dans le recueil, la mère donne la fascination pour la lecture et les mots :

" Le Matin des mots ". Puis à la fin du recueil l'être intérieur nous attend dans sa lumière et sa nudité.

Dans l'intervalle, ce que j'essaie d'exprimer, c'est la relation au monde, la porosité à tous les règnes de la nature. Le lien au cosmos, à tous les êtres les plus humbles, les plus minuscules, cette place essentielle de liberté dans une affirmation d'un monde qui ne serait pas seulement dominé par l'humanité, mais respectueux et sensible à toutes les formes de vie.
Cette partie résiste à une forme de pensée qui a fait la démonstration de son danger foncier pour le monde et par contrecoup pour l'homme. Elle résonne avec le titre qui évoque un monde asservi et mis à terre, genoux en terre, comme un cheval aux " genoux couronnés " et que l'on va abattre (le terme " couronnés " faisant allusion également aux années du corona virus et à ce qui va vers la contagion, l'épidémie et la guerre.)

Puis j'évoque l'ouverture à l'autre avec ses difficultés, ses ombres mais aussi ses lumières. C'est sur terme de " lumière " que s'achève le recueil après un parcours à travers l'être au monde.

Béatrice Bonhomme

Professeure à l'Université Côte d'Azur, Béatrice Bonhomme est poète, critique littéraire et directrice de revue. Le prix Léopold Sédar Senghor lui a été décerné en 2016 par le Cénacle Européen - sa recherche ayant contribué à la reconnaissance de la poésie contemporaine - et, en juin 2019, le Prix Vénus Khoury-Ghata pour son livre : Dialogue avec l'Anonyme. Citons ses derniers livres de poèmes Les Boxeurs de l'absurde (2019), Proses écorchées au fil noir (2020) et Monde, genoux couronnés, paru aux éditions Collodion, qui a reçu le Prix Mallarmé en 2023. Elle a fondé en 1994 la Revue Nu(e), revue de poésie et d'art qui a consacré 81 numéros à la poésie contemporaine et paraît désormais en ligne sur POESIBAO. Elle dirige La Société des lecteurs de Pierre Jean Jouve. Dans le cadre du centre culturel de Cerisy, où elle a dirigé plusieurs colloques, elle a édité de nombreux ouvrages et publié plusieurs études et articles sur la poésie moderne et contemporaine. Un livre sur l'œuvre poétique de Béatrice Bonhomme Le mot, la mort, l'amour chez Peter Lang est paru en 2012. Deux revues Poésie-sur-Seine et Coup de soleil lui ont été consacrées (2020-21).

BÉATRICE BONHOMME Mutilation d'arbre(lecture d'AP)
Le pacte des mots
→ Passage du passereau
→ [Les petits chevaux de Tarquinia]
→ Poumon d'oiseau éphémère
→ Sauvages
→ T'écrire adolescent
→ La terre rouge
→ Tes nuits sont devenues mes jours
Variations du visage & de la rose (lecture de France Burghelle Rey)
→ (dans l'anthologie poétique Terres de femmes) Un lacis de sang et d'ombre
→ (dans la galerie Visages de femmes) le Portrait de Béatrice Bonhomme-Villani par
G uidu Antonietti di Cinarca, un poème extrait de Poumon d'oiseau éphémère et l'excipit de Mutilation d'arbre
■ Voir aussi ▼
→ (sur la site des éditions L'Étoile des limites) la fiche de l'éditeur sur Les Boxeurs de l'absurde
→ (sur Terres de femmes) Kaléidoscope d'Enfances
→ (sur Wikipedia) une belle bio-bibliographie de Béatrice Bonhomme
→ (sur Terres de femmes) La rencontre Hölderlin-Jouve-Klossowski par Béatrice Bonhomme et Jean-Paul Louis-Lambert
→ (sur le site de la Revue d'art et de littérature, musique) un entretien de Rodica Draghincescu avec Béatrice Bonhomme (Numéro 45 - décembre 2008)


D.R. Ph. Laurent Bourdelas
■ Béatrice Bonhomme
sur Terres de femmes