Avec son futur supplément du dimanche, le quotidien économique et financier La Tribune, éternel rival malheureux des Échos, monte à l’assaut du Journal du dimanche (JDD), passé dans l’orbite de Bolloré et confié à l’ancien patron de Valeurs actuelles Geoffroy Lejeune. Sur ce créneau, les deux titres se confronteront au Parisien Dimanche, déjà en place.
La bataille s’annonce saignante. D’abord, à cause des moyens engagés. La Tribune dimanche est confiée à Bruno Jeudy, passé par Le Parisien, Le Figaro, Paris Match, Le Journal du dimanche, France 5 ou Radio Classique : un journaliste politique expérimenté qui ne vient pas pour commenter l’évolution des cours de Bourse. Lui-même s’appuiera sur Soazig Quéméner, arrivée de Marianne, et sur Ludovic Vigogne, une signature de l’Opinion. À leurs côtés, dix à vingt journalistes, soit une rédaction d’hebdomadaire sérieuse. Politique, international, société, culture, loisirs, La Tribune dimanche dépassera largement le seul sujet économique qui faisait jusqu’ici l’identité du titre. Le tout sera édité sur papier, ce qui, là aussi, coûte cher…
D’où vient cette pluie d’argent, demanderez-vous ? Pas besoin d’avoir fait West Point pour lire la manœuvre d’un certain… Emmanuel Macron.
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Les médias sont tellement libres en France – modèle mondial de la démocratie, comme on sait – qu’il vaut mieux les contrôler de près ! Surtout depuis qu’un méchant milliardaire a eu la mauvaise idée de créer un groupe de médias d’opposition au pouvoir. Ce méchant riche, c’est bien sûr Bolloré. Ses affreux médias de droite, ce sont CNews, C8, le JDD et d’autres moins politiques comme Canal+ ou le mensuel Capital, entre autres. Face à ce nouvel acteur dans le jeu politique – car c’est bien de cela qu’il s’agit -, le pouvoir macroniste ne se contente pas de l’appui explicite des chaînes et des radios publiques financées par les Français.
Macron envoie sur le terrain médiatique les industriels proches de lui. On dira, façon litote, que Xavier Niel (Le Monde, Télérama, Courrier international, Le HuffPost) ou Bernard Arnault (Les Échos, Le Parisien, Radio Classique, des participations dans Challenges et l’Opinion) ne sont pas radicalement hostiles au pouvoir… « Face aux appétits de l’ »ogre » Bolloré, Emmanuel Macron peut compter sur la doublette la plus puissante du capitalisme français : Bernard Arnault et Xavier Niel », écrivait… Le Monde lui-même, en mars 2021.
Le Figaro, propriété du groupe Dassault, a lui aussi sagement appelé à voter Macron. Mais cela ne suffit apparemment pas au président de la République que le succès de la chaîne CNews empêche de dormir. Ainsi, l’homme d’affaires Rodolphe Saadé, patron de l’énorme empire de fret maritime CMA CGM (23,5 milliards d’euros de bénéfice l’an dernier), s’est lui aussi laissé convaincre qu’il fallait de toute urgence investir dans les médias. L’homme s’est ainsi disputé avec Xavier Niel la propriété du quotidien local marseillais La Provence. Les deux se sont réconciliés, depuis, sous d’excellents auspices : « La paix des braves entre Niel et Saadé, médiation menée durant des mois par le liquidateur Marc Sénéchal, a d’ailleurs été conclue dans l’avion présidentiel qui emmenait ces deux proches d’Emmanuel Macron en Algérie, en août 2022 », écrit le magazine Challenges.
Ami de Macron, donc, Saadé a aussi saisi 10 % du capital de M6. Il aurait bien pris 100 % de ce groupe avec le milliardaire Stéphane Courbit si M6 n’avait, finalement, renoncé à se vendre. « Rodolphe Saadé est bien introduit en Macronie, écrivait encore Capital. Il a notamment recruté Jean Gaborit, cofondateur des Jeunes avec Macron et ancien conseiller d’Emmanuel Macron à l’Élysée. Sa holding familiale Merit a aussi investi 500.000 euros dans Zoi, la start-up lancée par un autre conseiller d’Emmanuel Macron, Ismael Emelien. »
De la part de Xavier Niel, Macron n’a rien à craindre non plus. « Xavier Niel n’a pour sa part jamais caché sa proximité avec Emmanuel Macron, écrit Le Monde. « On est devenus copains », a-t-il même confessé dans la presse. » À Europe 1, en 2018, il avait exprimé sa distance vis-à-vis du pouvoir, tout en nuances : « On a un super Président ! », lançait-il. Dans cette grande démocratie, donc, où le Président en exercice panique devant la progression de Marine Le Pen dans les sondages, on se fiche bien des angoisses des Français, de l’immigration et de l’insécurité. Tout cela passe après les préoccupations électorales du camp du bien qui met en place ses courroies de transmission médiatiques, sur fond de « Bolloréphobie » débridée.
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