[Point de vue]
On nous l’avait dit et redit au printemps : l’été sera chaud. Très chaud. Il fallait s’apprêter à vivre la canicule du siècle. Que dis-je : du millénaire ! Et puis la coquine s’est fait attendre. Une petite amorce au tout début de l’été, puis la déconfiture a saisi les pythonisses du climat : le vent, la pluie, le froid se sont abattus sur les vacanciers.
Il ne faut jamais désespérer : enfin, la voilà ! Depuis trois jours, il n’est question que de cela : la canicule arrive, elle est là. Tout le monde aux abris. Enfermons les vieux.
Élisabeth Borne a pris les devants, remis jeudi le climatiseur en route dans sa cellule de crise. Ce vendredi matin, on nous annonce qu’après les sept départements d’Auvergne-Rhône-Alpes placés en vigilance orange canicule, jeudi à 17 heures, douze nouveaux départementsvont l’être, ce 18 août à midi pétante. La canicule est à l’heure juste. Météo France a ressorti son petit dictionnaire de l’Apocalypse : « L’Hexagone devrait connaître, dans les prochains jours, son épisode de chaleur le plus intense de l’été et l’un des plus tardifs jamais enregistrés. »
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Jamais en reste, Santé publique France a recensé 80 morts et 2 accidents du travail « en excès » à cause de la vague de chaleur qui a touché le sud de la France du 7 au 13 juillet. Toutefois, malgré ce décompte d’une précision chirurgicale pouvant alimenter le climato-scepticisme, le chargé d’études scientifiques à la Direction santé environnement travail concède que « cette hausse n’est pas formellement due à la hausse des températures, mais semble y être corrélée ». Avec une certaine conscience du ridicule, le monsieur ajoute que l’excès de mortalité, cette année, est pourtant « plus faible que les excès de mortalité toutes causes observés les étés précédents ». Mince alors ! C’est que le froid et le temps pourri ont sévi en juillet sur une grande partie du pays « où les températures étaient plutôt automnales ces dernières semaines ». Et puis, il faut bien l’avouer, « on est bien loin des longues semaines de chaleurs étouffantes que la France a connues lors des étés précédents ». Mince, alors ! (bis)
On peut ainsi rappeler les questionnements oiseux de Météo France, fin juillet, quand les deux tiers du pays grelottaient : alors que « le mois de juillet 2023 est estimé comme étant le plus chaud jamais enregistré sur Terre (sic) », pourquoi « les pluies et les ciels gris vont-ils continuer à rythmer le mois d’août pour cette partie de l’Hexagone ? » Explication, alors, de Serge Zaka, agroclimatologue : il s’agissait d’une « anomalie négative remarquable » en France prévue du lundi 31 juillet au lundi 7 août 2023. À quelle heure ?
Mais une fois encore, il ne faudrait pas se laisser abuser par la météo : ces épisodes « ne doivent pas masquer la réalité du réchauffement climatique ». Et pour bien enfoncer le clou, Le Figaro, repris par toute la presse, publie un tableau des « villes françaises où les nuits caniculaires vont devenir la norme après 2040 ». Mary Kerdoncuff, directrice adjointe de la climatologie et des services climatiques à Météo France, nous l’assure : « Il va falloir s’habituer aux « nuits tropicales », celles où la température minimale ne descend pas sous les 20 °C » (sic). Un terme jusqu’alors « surtout réservé aux pays exotiques et chauds », mais il va falloir aussi changer de vocabulaire.
Dans ce tableau futuriste, on découvre que ma ville de Toulon devrait connaître, en 2040, 12 nuits tropicales supplémentaires ; La Seyne-sur-Mer toute proche n’en aura, elle, que 9 de plus. L’effet du sirocco au fond de la rade, sans doute…