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Ma chronique livre à moi que j'ai.

Publié le 19 août 2008 par Didier T.


Comme tout un chacun, j’ai, un jour de grande solitude (Michel, si tu nous écoutes), eut recours à l’air guitare. Debout, face à un miroir, droit comme un « i », le regard ténébreux (voire habité), la hanche souple et néanmoins diplomate, je me suis contorsionné grotesquement sur des riffs assassins joués par un autre que moi. La batterie explosait dans mon dos, le chanteur hurlait tout ce qu’il pouvait, j’étais bien. J’étais une rock-star. Et puis j’ai réalisé ce que j’étais en train de faire et le ridicule m’a terrassé, je me suis effondré sur la moquette et j’ai pleuré pendant des heures… non, je déconne. Faut quand même pas exagérer.
Allez, avouez-le, on a tous des souvenirs comme celui-là.
Rock-star. Le statut en fait rêver plus d’un(e). Les jets privés qui sillonnent la stratosphère d’un continent à l’autre, les salles bourrées de gamines en nage scandant votre prénom (ou de gamins en éruption cutanée ânonnant votre diminutif en une sorte de communion athée affligeante et pornographique), les groupies, seulement intéressées par votre aura intellectuelle et les messages d’amour que vous avez à délivrer pour la sauvegarde de la planète et de ses habitants, les interviews, face à des journalistes au fait des événements ayant fait de vous ce que vous êtes et conquis d’avance par votre prose à la fois enjouée et dynamique. La vie sur la route, un jour ici, l’autre là. La découverte des populations locales. Des rites autochtones. Les lendemains matins (généralement situés en fin d’après-midi), dans une chambre d’hôtel dévastée, couché dans un lit rempli de vomi et d’un truc à cheveux longs dont vous ignorez le prénom (attention, elles peuvent être plusieurs, allez regarder dans la salle de bain, on ne sait jamais). Rock-star. Votre visage en Une des magazines. Les photos volées qui trahissent vos bourrelets alors que vous faites tant d’efforts pour les dissimuler. La jalousie des autres membres du groupe. Les batailles juridiques sans fin pour conserver ce nom qui a fait votre gloire et qu’un autre revendique afin de vendre des céréales pour le petit-déjeuner. Les produits dérivés. Les feuilletons sur CNN. Les mariages ratés avec des bimbos opulentes MAIS arrivistes (je ne vise personne en particulier, quoi que). L’alcool, bien sûr. La drogue aussi. Comme autant de fatalités auxquelles vous ne pouvez pas échapper. Les horaires décalés, les premières parties minables, la course au cachet, le overbooking permanent, les vacances au Bahamas. Les cures de désintoxication. La mort, aussi, parfois.
Parents ! Si vos enfants rêvent de gloire et de paillettes. Si pour eux c’est Rock-star ou c’est rien. Si votre fils se laisse pousser les cheveux, fait des signes bizarres avec les doigts et change de couleur dés qu’il entend Joe Dassin. Si votre fille se prend pour Nina Hagen et fait la grimace dés qu’il s’agit de s’exprimer. Si elle a volé le collier du chien et décidé de se le mettre autour du cou. Si le petit dernier considère votre rouge à lèvres comme un excellent phare à paupières… ce livre est pour vous. Enfin, disons plutôt, pour eux. Voici en effet LA bio absolue d’un groupe de rock. Le livre qui se dévore malgré son volume impressionnant. Le truc qui fait passer le groupe Tokio Hotel pour ce qu’il est en réalité, à savoir une grosse merde mercantile. « Certains font du rock, d’autres sont le rock » répondit le pasteur d’une petite église baptiste du Mississipi à Elvis Presley lorsqu’il lui demanda si Dieu existait vraiment (la réponse est non, évidemment). Nous sommes ici en face de représentants de la seconde catégorie. Des types qui détruisent des chambres d’hôtel mais qui ne savent pas pourquoi (en opposition à ceux qui le font uniquement parce que ça se fait si on est une rock-star). Des types qui ont été déclaré cliniquement morts plusieurs fois et qui sont toujours en vie malgré cela. Des types qui ont vécu dix ans de gloire et n’en gardent que très peu de souvenirs. Des types qui agressent les passagers dans les trains japonais, qui voient les couteaux voler chez eux par abus de satanisme, des types qui font voler les batteries au-dessus du public (et manquent de se rompre le cou au pas-sage), des types qui convolent (terme pudique) avec tout ce qui bouge, des types qui font des gosses malgré tout. Des types qui découvrent l’existence de leur sœur cachée quand il est trop tard, qui souffrent de maladies incurables, qui traversent des drames. Des types qui tuent, aussi, parfois. Des types comme vous et moi.
Enfin, pas tant que ça.
« The Dirt » de Mötley Crüe et Neil Strauss.
592 pages
Edition du Camion blanc (l’éditeur qui véhicule le rock !)
Lien : http://www.camionblanc.com/
Rigoureusement indispensable.

Publié par les diablotintines - Une Fille - Mika - Zal - uusulu

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