Le chat qui a bon dos

En ce week-end de mai à rallonge, nous recevions, dans notre petit chez nous, un couple d’amis grenoblois. Il faisait bon, il faisait chaud, et dimanche, au moment de se dire au revoir, ils étaient tous rouge. Tous les deux.
Faut dire aussi qu’en arrivant, ils étaient tous blancs. Mais alors, blanc de chez blanc, genre blanc transparent, genre pas besoin d’une IRM pour te compter les veines.
Ce dimanche, en partant, ils étaient tous rouge, et un peu cloqués, aussi.
« On a eu des moustiques la nuit derrière », ils ont dit en se grattant. « Pas vous ? »
Nous ? Mais pauvres malheureux, nous, on a la peau méridionale ! On a la cuirasse robuste, et le sang amer de ceux qui sucent le piment à même le biberon dès la plus tendre enfance ! Nous, les moustiques, ils nous survolent et ils balisent la zone comme un champ radioactif ! Alors forcément, quand ils tombent sur un tendron de dauphinois, avec son arrière petit goût de saint-marcellin, les moustiques, ils font bombance ! Ils rameutent les potes, ils ouvrent le banquet, ils sucent tout ce qu’ils peuvent !
Ce dimanche soir, après le départ de nos amis, en rentrant dans notre petit chez nous, on en riait encore, de ces grenoblois à la peau délicate. Mangés par les moustiques ! Pff ! Nous on a dû leur faire tellement peur, aux moustiques, qu’on ne les avait même pas vu passer du week-end !
Par contre, sur le clic-clac encore déplié au milieu du salon, ce qu’on a bien vu, c’est la grosse Saucisse. Assise au milieu des draps, se grattant furieusement l’oreille de la patte arrière.
- Ca se fait piquer par les moustiques, les chats ?
- Non. Mais par les puces, oui...
- Ah.
- ...
- On leur dit ?
- Que dalle !

Illustration : Susan Powers, Rando