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gnninnmppffffff....
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gnn ??
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Combien en connais-je, de camarades, braves et belles et bonnes personnes, intelligentes et cultivées et drôles, capables de traits d’esprit fins et caustiques, qui dans la conversation synthétisent une analyse politique complexe en deux phrases simples et accessibles, avec...
mmmpf...
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je crois que ça vient, là...
aaaaah ?
ah ?
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grmblmblbmbolooubloubloublchplaaaaaaf floutch giiiikl floooöOoooooootch splaäââÂââäatch !"
Thierry M., « Cauchemars collectivistes », chap. « Se faire fourrer par un hérisson ». Disponible en intégralité ici.
Le blog est à lire dans son entier, mais l'extrait ci-dessus est représentatif. Pour ne pas dire déterminant. Car il sort le doigt de là où ça faisait le plus mal : un tunnel sombre étroit où plus rien n'était passé depuis plusieurs jours.
C'est cette petite lopette de Butch - que je soupçonne de rencarder en cachette Mélenchon sur mes faits et gestes - qui m'a suggéré la relecture de mes billets, à froid, au calme, sans un petit Monaco pour pousser tout ça.
Et c'est venu tout seul. D'un coup. Et je crois qu'à présent, avec tout ce qu'il m'a refilé de laxatif, je suis en train de me chopper une diarrhé carabinée. Et qu'elle s'étend physiquement du sol au plafond de mes chiottes, et électroniquement sur plusieurs billets. En terme polis, on appelle ça une logorrhée. On me rétorquera que ce qui compte c’est le fond. Ca tombe bien. Je le touche. On me dira que ce sont les questions sociales et économiques qui prévalent, et pas l’enrobage. Dommage, parce que question enrobage, là, je fournis en quantité industrielle. Que se laisser aller produit une pente glissante qui risque trop de dénaturer la « nature profonde » du « message ». Et que de toutes façons, on s’en fout, vu qu’Olivier passe bien à la télé…
Sauf que bon, ça soulage. Certes, je vais probablement perdre plusieurs kilos de cette production nauséabonde de mes orifices, mais je suis de plus en plus convaincu que mettre de côté mes aléas intestinaux d’un haussement d’épaules méprisant n’est pas seulement passer à côté d’innovations stylistiques ; c’est une erreur stratégique majeure. Je tiens un sujet, je parle "forme", "volume", "consistance", c’est n’est pas seulement pour écrire les mêmes choses différemment – ce qui serait déjà énhaurme ! - : c’est surtout parce que tout ce qui peut parfumer les imaginaires et les représentations, tout ce qui colore mon univers mental construit à partir d’idées qui refoulent un peu du goulot pour les faire partager à d’autres, à ceux qu’on souhaite convaincre du bien-fondé de mes propositions, tout ça, c'est indispensable à ma vie de tous les jours. In. Dis. Pen. Sable.
Or, jusqu'à récemment, ce travail n’était pas fait, n’était pas là. Pis : je n’osais pas…
Combien en connais-je, de camarades, braves et belles et bonnes personnes, intelligentes et cultivées et drôles, capables de traits d’esprit fins et caustiques, qui dans la conversation synthétisent une analyse politique complexe en deux phrases simples et accessibles, avec en plus l’élégance de l’humour…
…qui quand elles se retrouvent devant leur traitement de textes pour écrire qui un tract, qui un texte, peu importe, produisent ... un texte comme celui-là , lourd, répétitif, remugle puant de médiocrité bâclée...
Pourquoi ?
Parce qu’au moment de l’acte d’écriture, qui consiste pour moi à mettre des idées en « formes », en long boudin prémâché et prédigéré, une sorte de démon malveillant me susurre : « Aaaatention ! Reste à la masse ! Pense à la lutte des races ! Pense au Parties ! Pense aux camarades ! Pense qu'elle a toujours su, et qu'elle ne disait rien. Qu'elle savait que je lui mentais, elle savait que je la trompais, et avec des filles qui ne lui arrivaient pas à la cheville, et pense qu'elle ne disait rien. Qu'elle avait tout compris, dès le début, et elle ne disait rien. Pense, pense, pense !»
Mais si ça ne concernait que les billets, ce serait encore anodin. C’est en fait bien pire que ça. Si on ose un parallèle, le « fond » qui est une allégorie et la « forme » qui est marche militaire, il y aurait une sorte de chanson politique qui parle aux oreilles du pékin lambda, ou en tout cas qui plait à certains, nettement moins à tous les autres.
Nous avons les paroles.
Mais nous n’avons pas la musique.
Et les choeurs de l'Armée Rouge sans musique, c’est rigolo comme une réunion à Port-Leucate, mais ça ne sort pas d'un petit cercle d'amis très proches. Très.
C’est pour ça que tout le travail sur ces formes, sur l’audace, encore de l'audace, toujours de l'audace de s’affranchir des manières de dire - obscures pour le lecteur lambda de CSP - va encore plus loin que de changer des mots mais est surtout une démarche de repenser lourdement avec sa tete comment est-ce qu'on voit la politique. Il s’agit rien moins que de chercher à doucher les autres non seulement par un discours viril, mais aussi par un discours infect. On agresse leur cerveau : il faut marteler aussi leur âme.
Le chantier est énorme. Il y en a partout. Du sol, au plafond. Je me suis lâché total. Et pour ça, j'ai failli me mettre en danger. Vu la quantité dégazée, je frôle le FIPOL.
Certes, c'est un peu brut de décoffrage de sortir du cocon rassurant des cénacles militants, des formules absconses, de mon propre confort personnel, de ce sur-moi surdimensionné paralysant qui me murmure "Rhoon, non, tout de même, je peux pas écrire ça, rhooo, qu'est-ce qu'on va penser...". En finir une bonne fois pour toute avec le charabia pénible que j'écris à longueur de journée qui m'oblige à me recroqueviller dans mon petit chez moi douillet, au milieu de bougies parfumées à écouter du George Michael dans mon bain en proclamant que je veux le bien commun... et finalement, me réfugier en permanence dans l'entre-jambe des camarades.
Mon objectif, principal, essentiel, c'est de partir à la reconquête de mon esprit gauchiste. Vaste programme quand on voit l'étendue des dégâts. Il me faut en effet parvenir à recréer un imaginaire progressiste avec des super-héros en pyjama, des symboles, des dates historiques, des défaites, tout assumer, tout mettre à plat, pour repenser une vision gauche du monde et donner à partager cette vision.
Je crains le colibet. Mais comme je l'ai dit : j'assume.