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Les enjeux du luxe dans un monde devenu complexe (2)

Publié le 24 janvier 2010 par Michelgutsatz

Je vous propose de poursuivre mon analyse des enjeux auxquels l'industrie du luxe doit faire face dans les prochaines années. La semaine dernière j'attirai votre attention sur la sophistication croissante des consommateurs du luxe, ce sur tous les marchés mondiaux. Il importe d'en tirer les conséquences pour les marques. En m'appuyant sur mes travaux sur les marques de luxe, je vois quatre points essentiels:

  1. La gestion de la rareté: la plupart des marques de luxe, poussées par leur volonté de développement mondial, ont perdu de vue un des éléments fondateurs du luxe, la rareté. Quand Burberry a 75 boutiques au Japon et seulement 32 aux USA, Hermès 64 contre 30, Prada 35 contre 15, Bulgari 31 contre 17 - soit deux fois plus de boutiques au Japon qu'aux USA, alors que les deux marchés sont sensiblement équivalents - on ne peut que conclure qu'il y a "quelque chose de pourri au royaume du Danemark". Je serais d'ailleurs curieux de connaitre l'évolution des ventes au m2 des boutiques japonaises... Ce luxe n'est plus dans l'exclusivité et la rareté.
    Il va y avoir des fermetures de boutiques non rentables et un réexamen des portefeuilles de localisations
    .
  2. La question du prix: les marques de luxe ont vécu fin 2008 un enfer aux USA quand leurs distributeurs grands magasins et autres multimarques ont soldé leurs produits à 70% et quand certaines d'entre elles se sont laissées emporter par la vague en organisant des ventes très peu "privées" pour écouler leurs invendus (voir mes posts du 15 mars et du 1er février 2009). Le consommateur informé et sophistiqué est intelligent - et ne peut qu'attendre le lieu ou le moment où il pourra se procurer les produits de ses marques fétiches à -50%.
    La marque, quant à elle, perd de sa crédibilité: quel est le véritable prix du produit? On assiste à une véritable "dilution de la valeur" et les question sur les marges apparaissent.
    Nous allons assister à une remise à plat des politiques de prix - tenant compte des circuits de distribution: rendre les circuits "wholesale" et "directely-owned-stores" plus étanches en matière de collections et de prix / repenser le rôle des grands magasins et/ou mieux contrôler les corners en les transformant en véritables shops-in-shops / ....
  3. La question de la qualité: dans tous les pays du monde les consommateurs vivent avec une équation simple en tête - Luxe = Qualité. Je crains que dans de nombreuses catégories (sauf peut être en joaillerie) la qualité ne soit plus la priorité des marques de luxe: les boutons des chemises qui tombent, les boucles de ceintures qui cassent, les couleurs qui passent, les porte-monnaies qui laissent échapper les pièces, les chaussures dont les semelles sont trop fines, les packagings de cosmétiques indignes du luxe... les signes de non-qualité abondent.
    Les marques vont devoir revoir complètement - pour TOUS leurs produits, et pas seulement pour leur très haut-de-gamme - leur politique qualité pour mériter le qualificatif de marque de luxe.
  4. La question du service: la sophistication croissante des consommateurs les amène à exiger des marques de luxe d'intégrer du service dans leurs produits. Nous attendons tous un minimum d'égards: que la boutique me rappelle quand mes retouches sont prêtes (mon retoucheur turc me prévient par sms!!), que les vendeuses de cosmétiques connaissent les produits et me donnent de véritables conseils, qu'on me propose de me livrer... Le service ne se borne pas à l'ouverture de la porte quand on rentre dans la boutique, ni à me proposer un café...
    Les marques de luxe vont faire du service leur "nouvelle frontière" - et vont avoir besoin de compétences pour y arriver...

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