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L'homme qui arrêta d'écrire (et celui qui devrait le faire)

Publié le 07 février 2011 par Thebadcamels
L'homme qui arrêta d'écrire (et celui qui devrait le faire)
Oui, je sais. Marc-Edouard Nabe est un personnage infréquentable depuis près de 25 ans et cette fameuse émission de télévision où ce praticien de l'excès présentait son premier ouvrage, et finissait avec le poing de Georges-Marc Benamou dans la figure. Le vingt-huitième, "L'homme qui arrêta d'écrire" est une petite merveille. Une promenade dans un Paris crépusculaire, mi-vécu, mi-anticipé, aux côtés de l'auteur et d'un jeune blogueur attachant. Durant une semaine, les rencontres se succèdent, de "performances" en pseudo-cénacles littéraires en passant par de lieux aussi divers que l'hôtel Amour ou le théâtre Marigny.C'est l'occasion de peindre de superbes portraits à l'acide des petits Grands de notre époque. En clair Nabe dégoupille, et comme dirait la Couente, il joue le plomb. De loin la plus belle plume de France, il ne rechigne pas non plus aux blagues de potache.Chaque phrase est offerte dans la perspective de contribuer à la grande joie dionysiaque de la littérature. L'érudition en prime. Tout le contraire du saindoux intellectuel régulièrement tartiné par le roi fainéant des lettres parisiennes. Le lecteur engoncé dans son costume de préjugés trop cintré poussera de hauts cris depuis le trottoir de la rue des Martyrs. Cynique, gratuitement méchant et politiquement incorrect, le livre de Nabe ne trouvera pas grâce à ses yeux, et il retournera bien vite s'indigner en compagnie de Stéphane Hessel."Indignez-vous", le succès de librairie du moment. Court, pas cher, pas drôle et dégoulinant de bons sentiments. Le succès assuré, surtout quand il porte la signature d'un auteur aux états de service plus que respectables qu'on a sorti de la naphtaline pour les besoins de la cause.L'emploi de l'impératif est à la mode. Jean-Luc Mélenchon, qui met ses qualités oratoires au service du rôle de boulevard qu'il nous sert chaque jour sur la scène politique, l'a bien compris avec son "Qu'ils s'en aillent tous !"Mais la beauté de l'indignation repose dans l'idée qu'elle ne se commande pas. Je n'ai pas le souvenir de voir la statue du Commandeur se plonger dans le livre d'Hessel avant d'aller houspiller Dom Juan, et je n'envisage pas le général de Gaulle rechercher l'inspiration dans ce type d'ouvrage avant l'appel du 18 juin. Par cette cette invective populiste, l'auteur cherche à provoquer un mouvement conditionné, une indignation formatée, toute prussienne en somme.Outre le fait qu'il se pense un nouveau Siéyès, il prend ses lecteurs pour des imbéciles : si nous devons nous indigner, quel besoin avons-nous de recevoir le feu vert de Monsieur Hessel ?Cet opuscule n'est néanmoins pas dénué de mérites : c'est un beau succès commercial parfaitement organisé, grâce à un "buzz" à faire pâlir Hugo Chavez: la révolution dans tous les foyers pour 3 euros ! (toutefois, pour 14 pages, on peut aussi légitimement trouver que Stéphane est cher).Ajoutez-en plutôt 25 et procurez-vous l'excellent roman de Marc-Edouard Nabe, vous ne serez pas déçus, surtout si vous êtes un aficionado de Lady Gaga.
Un billet de parfaite bonne foi, par celui qui ne cessera jamais d'être du côté de la liberté et de la Province, ABC.

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