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Le caractère « mythique » de Genèse 2 et 3, par Jean-Paul II

Publié le 11 juin 2012 par Perceval

Très interessant cet enseignement de Jean-Paul II, lors de l'Audience du 7 novembre 1979 ( C'est ICI ) jean_paul_3.jpg

«  .. nous devons constater que tout le texte, lorsqu’il exprime la vérité sur l’homme, nous étonne par sa profondeur caractéristique, différente de celle du premier chapitre de la Genèse. On peut dire que cette profondeur est de nature avant tout subjective et donc, en un certain sens, psychologique."

"On peut dire, suivant la philosophie contemporaine de la religion et celle du langage, qu’il s’agit d’un langage mythique. Dans ce cas, en fait, le terme ‘mythe’ ne désigne pas un contenu fabuleux, mais simplement une façon archaïque d’exprimer un contenu plus profond." Jean Paul II 

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" Le chapitre 2 (de Genèse) constitue en quelque sorte la plus ancienne description, le plus ancien enregistrement de la manière dont l’homme se comprend et, avec le chapitre 3, il forme le premier témoignage de la conscience humaine. Une réflexion approfondi sur ce texte—à travers toute la forme archaïque du récit qui rend évident son caractère mythique primitif (Note 1) —permet d’y trouver ‘en germe’ à peu près tous les éléments de l’analyse de l’homme auxquels est sensible l’anthropologie philosophique moderne et principalement, contemporaine.

Note 1 : Si dans le langage du rationalisme du XIXe siècle le terme mythe indiquait ce qui n’entrait pas dans la réalité, le produit de l’imagination (Wundt) ou ce qui est irrationnel (Lévy-Bruhl), le XXe siècle a modifié la manière de concevoir le mythe.

L. Walk voit dans le mythe la philosophie naturelle, primitive et a-religieuse ;

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R. Otto le considère comme un instrument de connaissance religieuse ;

pour C. G. Jung, par contre, le mythe est une manifestation des archétypes et l’expression de l’inconscient collectif’, symbole des processus intérieurs.

M. Eliade découvre dans le mythe la structure de la réalité qui est inaccessible à l’enquête rationnelle, empirique : le mythe transforme, en effet, l’événement en catégorie et rend capable de percevoir la réalité transcendante ; il n’est pas seulement un symbole des processus intérieurs, comme l’affirme Jung, mais un acte autonome de l’esprit humain au moyen duquel se réalise la révélation (cf. Traite d’histoire des religions, Paris 1949, p. 363 ; Images et symboles, Paris 1952, pp. 199-235).

Selon P. Tillich le mythe est un symbole, constitué par les éléments de la réalité, qui sert à représenter l’absolu et la transcendance de l’être auxquels tend l’acte religieux.

H. Schlier souligne que le mythe ne connaît pas les facteurs historiques et n’en a pas besoin en ce sens qu’il décrit ce qui est destin cosmique de l’homme qui est toujours tel quel. Le mythe, en fin, tend à connaître ce qui est inconnaissable.

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Selon P. Ricœur : « Le mythe est autre chose qu’une explication du monde, de l’histoire et de la destinée ; il exprime, en terme de monde, voire d’outre monde ou de second monde, la compréhension que l’homme prend de lui-même par rapport au fondement et à la limite de son existence. (. . .) Il exprime dans un langage objectif le sens que l’homme prend de sa dépendance à l’égard de cela qui se tient à la limite et à l’origine de son monde » (P. Ricœur, Le conflit des interprétations, Paris, Seuil, 1969, p. 383).

« Le mythe adamique est par excellence le mythe anthropologique. Adam veut dire Homme ; mais tout mythe de l’ ‘homme primordial’ n’est pas ‘mythe adamique’, qui . . . est seul proprement anthropologique ; par là trois traits sont désignés :

« Le mythe étiologique rapporte l’origine du mal à un ancêtre de l’humanité actuelle dont la condition est homogène à la notre (. . .) ;

« Le mythe étiologique est la tentative la plus extrême pour dédoubler l’origine du mal et du bien. L’intention de ce mythe est de donner consistance à une origine radicale du mal distincte de l’origine plus « originaire de l’être-bon des choses (. . .). Cette distinction du radical et de l’originaire est essentielle au caractère anthropologique du mythe adamique, c’est elle qui fait de l’homme un commencement du mal au sein d’une création qui à déjà son commencement absolu dans l’acte créateur de Dieu ;

« Le mythe adamique subordonne à la figure central de l’homme primordial d’autres figures qui tendent à décentrer le récit, sans pourtant supprimer le primat de la figure adamique. (. . .) Le mythe en nommant Adam, l’home, explicite l’universalité concrète du mal humain ; l’esprit de pénitence se donne dans le mythe adamique le symbole de cette universalité. Nous retrouvons ainsi (. . .) la fonction universalisant du mythe. Mais en même temps nous retrouvons les deux autres fonctions, également suscitées par l’expérience pénitentielle (. . .). Le mythe protohistorique servit ainsi non seulement à généraliser l’expérience d’Israël à l’humanité de tous les temps et de tous les lieux, mais à étendre à celle-ci la grande tension de la condamnation et de la miséricorde que les prophètes avaient enseigné à discerner dans le propre destin d’Israël. Enfin, dernière fonction du mythe, motivée dans la foi d’Israël : le mythe prépare la spéculation en explorant le point de rupture de l’ontologique et e l’historique »

(Paul Ricœur, Finitude et culpabilité : II. Symbolique du mal Paris, Aubier, 1960, pp. 218-227).

Jean Paul II, Audience du 19 septembre 1979


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