Magazine Journal intime

Le début de la fin

Publié le 27 juin 2012 par Mirabelle

Mon cher Victor,

Tout a commencé, donc, le vendredi 6 avril dernier. Je me rendais à mon rendez-vous gynécologique mensuel, correspondant au huitième mois de grossesse : autrement dit, l'avant-dernier avant le grand jour ! J'avais, comme qui dirait, beaucoup gonflé, ce n'est rien de le dire, mes pieds s'apparentant énormément à des palmes, gros orteils, chevilles invisibles sous la rétention d'eau, mollets en forme de poteaux... Quant à mon visage, parlons-en, on ne distinguait même plus mes pommettes ! C'est donc un peu anxieuse que je retrouvais ma gynéco (que j'adore, d'ailleurs, tant elle est simple, à l'écoute, rassurante) qui ouvrit de grands yeux devant ma silhouette : "Oh mon dieu, mais vous avez énormément gonflé depuis votre dernière visite !". Chouette... Cela met en conditions ! Nous discutons cinq minutes à son bureau, j'évoque les symptômes habituels de la grossesse, la fatigue, le ventre encombrant ("Vous rendez-vous compte que je ne peux même plus m'épiler correctement !") puis je passe sur la table d'examen, elle brandit le tensiomètre, avec lequel je ne suis plus très copine depuis quelques temps.

"Oh la la..." me dit-elle avec un regard alarmé qu'elle masque très mal : "Bon. Je vous la reprends dans un quart d'heure après la petite écho, une fois que vous aurez vu votre choupinette, cela ira mieux comme d'habitude.". Quinze minutes plus tard, je suis tout sourire d'avoir admiré ma fille devant l'écran, le tensiomètre est de retour et le regard alarmé de la gynéco également : "Bon... Euuuh, vous allez aller me faire un contrôle de tension à la maternité cet après-midi.". Je m'affole : "D'accord mais... Elle est à combien ?". Froncement de sourcils : "16/11.". Bien bien.Affreusement haute, autrement dit... Oh misère de misère...

Ce n'est qu'à ce moment que j'ai commencé à entrevoir la possibilité de quelques petites complications. C'est à dire ? C'est à dire que oedèmes (quand on gonfle de partout mon Victor) et tension ne font pas bon ménage : plus que les protéines dans les urines et hop, c'était le trio gagnant de la prééclampsie ! La prééclampsie ? Qu'est-ce que c'est que cet animal ? C'est une complication qui touche environ 5% des grossesses (quelle chance j'ai eu !) : l'échange mère-enfant, par l'intermédiaire du placenta, se fait mal. L'enfant cesse de grossir, de grandir, on est obligé de déclencher l'accouchement. Ah... Oui, comme tu dis. C'est grave donc... C'est la première étape vers l'éclampsie, qui peut être mortelle et pour la mère et pour l'enfant.

Je suis donc allée, dès l'après-midi, après avoir pleuré un bon coup, faire contrôler ma tension à la maternité. Verdict, après une heure, à raison d'une prise toutes les cinq minutes, ma tension était comprise entre 15/11 et 17/11. J'avais eu beau fixer le dinamap de toutes mes forces, ordonner à ma tension de descendre, rien à faire... A moi les froncements de sourcils désolés de la sage-femme ("Ce n'est pas bon du tout, nous devons vous faire des analyses de sang..."), la visite du gynécologue ("Vos analyses de sang sont encore bonnes, vous avez le droit de sortir mais avec un traitement pour votre tension, et obligation de revenir après-demain pour un contrôle."), le pipi dans le pot (ben oui, il faut contrôler la protéinurie dans les urines, autre signe de la prééclampsie... Tout un poème !).
Je rentre donc chez moi avec le pressentiment que non, décidemment, je n'accoucherai pas à terme, que cette grossesse n'a pas fini de me réserver des surprises, et pas des meilleures, que l'oeuf clair, les contractions, la dilatation du ventricule gauche de ma fille à recontrôler à la prochaine échographie, cela n'était pas assez, non. Nous sommes le vendredi 6 avril 2012, je ne suis même pas à sept mois et demi de grossesse, je pense être capable de tenir, encore quinze jours, quinze tout petits jours, pour parvenir aux 37sa, date à laquelle je pourrais souffler, elle ne sera pas prématurée, elle ne risquera rien, nous serons sauvées, nous pouvons y arriver toutes les deux. Je ne sais pas encore que deux jours plus tard, à 18 h 02, je mettrais au monde une petite fille, née prématurément, une petite fille qu'on ne me posera pas sur le ventre, qu'on emmènera tout de suite, incapable de respirer seule, toute frêle, minuscule, je ne sais pas encore que sa naissance sera le plus beau jour de ma vie mais aussi le plus terrifiant.


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