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Le désert des tartares

Publié le 03 avril 2014 par Mabo @mabomanji
Grâce à la fac de lettres et ses étudiants et profs de ciné, on a pu voir hier soir le Désert des Tartares adaptant le livre de Dino Buzzati qui m'avait fascinée étant jeune.Le projet tient sur les épaules de Jacques Perrin qui a produit et aussi joué le rôle principal dans le film.
Le désert des tartares
L'action ou plutôt l'inaction du film se déroule dans une caserne militaire à la limite du pays où est affecté un jeune gradé qui se sépare de sa fiancée de l'époque pour se tourner entièrement vers sa carrière. Il est rempli d'espoir et d'envie de faire ses preuves. Il réalise vite en arrivant à quel point les bâtiments sont frustres et déprimants, ne défendant plus qu'un lopin de terre au milieu d'un désert rocailleux. 
Le désert c'est ce qui hante dans le film. Il capte les humains les garde prisonniers d'une attente sans fin, s'insinue dans toutes les pièces, sur le sol et ne quitte jamais l'écran. Car le sujet du film c'est un peu Godot, on parle beaucoup des silhouettes armées entraperçues il y a 18 ans, elles se sont insinuées dans les esprits, faisant espérer à ces militaires de carrière un peu d'action et de conflit où ils pourront briller par leur bravoure. Mais ils espèrent toute leur vie sans jamais voir leur rêve concrétisé. La vie en un lieu fermé loin de tout sans autre distraction que de répéter des manœuvres militaires pèse sur le morale de tous et chacun gère à sa manière ce temps pesant et répétitif. Il s'étire en longueur pour les personnages autant que pour le spectateur qui fait face à des plans désertiques et beaucoup de silence seulement ponctué par le bruit du vent.
Le désert des tartares
Avec cette histoire d'attente, le moindre événement prend de plus grandes proportions, les petits jeux de pouvoir entre gradés militaires semblent être la chose la plus importante aux yeux de ces hommes.Et puis ce faste caché dans la terre, ces soirées chic où les gradés sortent leur plus beau costume et s'installe à une magnifique table dressée avec de la vaisselle fine et entourée de sièges en velours rouge où s'installe avec beaucoup de dignité ces gardiens de la sécurité du pays dont ils sont si excentrés. Le contraste est saisissant au début mais devient franchement désagréable quand on réalise la futilité de leur présence en ces lieux. Les lieux finissent par se vider petit à petit, la table perdant la moitié de ses convives et au final perdant même son faste et sa décoration.Le déclin des lieux fait écho au déclin de certains soldats autant moralement que physiquement. L'atmosphère oppressante qui règne dans le lieu couplée à une étrange condition physique qui semble atteindre certains militaires par les murs en terre font de cet endroit un vrai poison pour les hommes.
Le désert des tartares
L'avantage de voir le Désert maintenant c'est qu'il nous a été proposé en version restaurée et en haute qualité. Les images désertiques sont lumineuses et font tout de suite penser au désert de Tatooine dans les Star Wars. On a de belles vues, on respire pleinement tout l'espace qui se dévoile aux yeux des personnages, il s'impose comme plus qu'un décor mais quelque chose qui va influencer la vie des militaires.Les plans sont superbement travaillés, autant pour représenter le vide et la dimension énorme du désert que les scènes d'intérieur dans ces couloirs en terre qui forment un vrai labyrinthe. Les éclairages soulignent les humeurs des personnages, montrant finement leurs états d'esprit, chose qui nous resterait secrète tant ils parlent peu. Il y a énormément de non-dits, de choses cachées. Les militaires obéissant avant tout au règlement ils ne peuvent pas se permettre tous les commentaires. Aussi ils cachent leurs vraies opinions sous couvert de décision militaire. On arrive à des dérives peu rassurantes qui démontrent encore une fois l'ambiance malsaine du lieu. 
On en voit un exemple qui fait froid dans le dos lors de l'expédition dans les hautes sommets enneigés où on ne voit rien à deux mètres de soi et où le chef prend un malin plaisir à user l'un des hauts gradés qui semble bien malade. Vu la neige incrustée dans leurs manteaux je me doute que l'équipe de tournage a vraiment passé beaucoup de temps dans ce mauvais temps. Même la neige fondue sur les képis avait fini par geler de nouveau. Des soldats enneigés sur fond totalement blanc, encore une impression d'infini et de vide opposé au désert seulement par la couleur.
Le désert des tartares
La musique est signée Ennio Morricone qui arrive toujours à composer des mélodies emplies de grandiose et de mystère avec peu de notes. Les thèmes sont peu nombreux et reviennent au même endroit, notamment avec l'orchestre jouant lors du dîner des gradés. Le reste renforce l'impression de mystère du désert et petit à petit on perd un peu pied et on se retrouve immergé dans le film.
Le désert des tartares
Mention spéciale au groupe d'acteurs qui sont autant justes que belles gueules. C'est impressionnant l'énergie qu'ils dégagent à l'écran. Perrin est parfait un jeune homme rempli d'espoirs qui petit à petit va désenchanter, son petit sourire va se faner puis il va tomber malade, comme si son énergie vitale était absorbée par la caserne elle même. On a un concours d'yeux bleus et de pommettes saillantes.Rajoutez à cela une jolie garde robe militaire, avec des tissus lourds pour résister au froid, des manteaux remplis de boutons superbes avec capes, le vêtement blanc immaculé pour les réceptions. 
Le désert des tartares
Le film mérite d'être vu en très bonne qualité et sur grand écran pour sa beauté visuelle. L'ambiance d'attente est superbement retransmise malgré un vide d'action apparent, les développements de l'histoire et des personnages sont assez marquants pour passionner. On finit par être subjugué par cet endroit et d'être perdu dans le temps, ne sachant pas quand cela finira. Vraiment une belle découverte qui m'a marquée et que j'espère un jour voir édité en bonne qualité.

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