La tempête

Elle a eu deux ans. L’âge tant attendu et tant redouté. On a enfin une petite fille, le bébé est derrière nous. Elle prend de l’autonomie, joue seule, parle. Elle crie aussi, se laisse tomber au sol, me tape puis me câline, ne veut pas, n’attend pas. Elle est dans la tempête.

Parfois, je ne le supporte plus. Je voudrais profiter d’elle, passer des bons moments avec ma petite fille, au lieu de quoi je m’impatiente, je m’énerve, pour qu’elle se lève, qu’elle écoute, qu’elle accepte enfin de sortir de l’eau du bain devenue froide. Elle me regarde avec des yeux furieux, elle fronce les sourcils, elle prend des airs d’adolescente. La petite phrase dans ma tête : « elle est insolente » que je déteste. Non, pas insolente, tourmentée. Elle a besoin de tester, d’enfoncer les portes, de vérifier notre solidité. Je vois bien qu’elle même ne sait pas ce qui lui arrive. Elle aussi, elle aimerait passer des bons moments avec sa maman. Et puis, d’un coup elle ne peut plus, elle a besoin de tout refuser.

Je lui propose un câlin qu’elle accepte, alors qu’elle était hurlante et furieuse. Si elle l’accepte, c’est bien qu’elle est une toute petite qui ne sait plus quoi faire. Qui a besoin de mon torse et de mes bras pour retrouver ses limites.

On apprend toutes les deux.

Et puis un jour férié, pas de crèche, son papa qui travaille. Je l’emmène au café pour boire un jus. Elle adore « jus pomme ». Elle lève le bras et crie « juuuus » au serveur. Je devrais avoir honte, mais je suis fière. Elle attrape son verre, se cale contre moi. Elle me parle de « Coco » son copain qui a joué avec l’eau. Elle lui a dit « nein nein coco, pas lolo » parce qu’elle sait qu’on ne doit pas jouer avec l’eau. Il y a un monsieur qui jongle dans le café, alors elle va le voir. Il est sympa, il joue avec elle. Je la regarde et j’ai le ventre qui se tord de l’aimer tant.

En rentrant, elle renversera son assiette de pâtes, elle refusera d’aller se coucher, je crierai, elle pleurera. On lira une histoire pour se réconcilier.

Ma Rose chérie, tu es dans la tempête, mais c’est pas grave, on va la traverser ensemble.