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Humeur. Des droits et des devoirs.

Publié le 03 novembre 2023 par Rolandbosquet

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Les derniers mois de l’année 2022 ont été bousculés par les revendications syndicales contre la réforme des droits à la retraite. Elle s’est malgré tout achevée, comme d’habitude, par la traditionnelle trêve des confiseurs. Il est hélas parfois des circonstances qui ne le permettent pas. Ainsi, en 1940, mon père se vit-il contraint de faire l’impasse sur la séance de cadeaux sous le sapin, même si elle était toujours fort modeste, et tout autant sur le réveillon de noël, un bol de chocolat chaud et une orange au retour de la messe de minuit. Assigné à résidence dans son stalag à la lisière de la Poméranie, il ne pouvait revendiquer aucun droit. Il avait en revanche un devoir, celui de survivre. Survivre pour lui bien sûr. Et survivre pour ses fils, pour son épouse et pour tous les siens qui attendaient son retour. Ce 25 décembre, tout comme les 25 décembre suivants, fut donc pour lui un jour comme les autres. Mon père ne recouvrera ses droits que cinq ans plus tard, à sa libération. Démontrant concrètement les propos du philosophe Marcel Conche* : les droits s’accompagnent toujours de devoirs mais les devoirs n’impliquent pas toujours des droits.

Il n’est pourtant pas de jour sans que l’on entende évoquer les droits. Droits de l’Homme et du Citoyen, droits de la femme, droits de la Terre, droits des animaux … La nature elle-même serait amenée à reprendre ses droits lorsque l’homme l’ignore. Même si, le plus souvent, elle en profite pour proliférer dans toutes les directions et dans la plus grande confusion, au moins au regard de l’homme qui l’en aurait privée. Comme si l’homme pouvait enlever ses droits à la nature, lui qui y est évidemment partie prenante !

Mais imaginons que la nature, l’homme, la femme, les animaux sinon même les plantes possèdent des droits. Qui les aurait attribués ? Quelle entité supérieure à la nature, à l’homme, à la femme ou aux animaux les aurait octroyés ? Et de quel droit, d’ailleurs ? En vertu de quelle prééminence ? On peut imaginer quelque divinité régnant au-dessus du chaos et gouvernant plus ou moins bien le monde, l’espace et les univers connus et inconnus. Mais les esprits scientifiques s’insurgent. Ils n’ont jamais rencontré la moindre preuve de son existence. Des lois ont certes été élaborées pour décrire la course des jours mais elles ne sont guère que des hypothèses échafaudées par l’homme lui-même. De nouvelles découvertes peuvent très bien dans un an, dans dix ans, dans cent ans, renvoyer les anciennes théories dans les limbes de l’Histoire et décrire une nouvelle façon de lire l’organisation du monde.

En réalité, ces "droits" apparus au fil du temps ne sont que des conventions accommodées par les sociétés humaines dans l’espoir de repousser, un peu, la barbarie. Comme on met de l’huile dans des rouages pour éviter qu’ils ne se grippent. En un mot, ce que l’on appelle pompeusement la civilisation où les droits et les devoirs ne sont que les deux faces d’une même règle, vivre ensemble. Ainsi, les droits n’existent que parce que des devoirs leurs sont étroitement associés et leurs donnent sens. Sans devoirs, il n’est pas de droits et ignorer les premiers, c’est renoncer aux seconds. (Montaigne et la philosophie, Marcel Conche, PUF) 


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