Le ciel est par-dessus le toit, pas bien bleu hélas mais si calme que la voix râpeuse de Colette Magny murmure à votre oreille le fameux poème de Paul Verlaine. Inconsciemment, vous le murmurez, vous aussi, comme lorsque, debout devant le tableau, vous le récitiez face au maître et à toute la classe prête à vous reprendre en cas d’oubli. Mais peut-on oublier ? À la radio, Gabrielle Oliveira Guyon cèdera bientôt la piste aux duettistes Rodolphe et Émilie et vous jetez un regard perplexe vers votre jardin. Pleuvra-t-il ? Pleuvra-t-il pas ? Car, cette année, les tempêtes automnales n’ont pas attendu les grandes marées prévues en fin de mois pour jeter leur pagaille sur les campagnes. Habituées, depuis la nuit des temps, aux caprices de la nature, elles ne s’en formalisent pas. Demain est un autre jour et tout et son contraire sont toujours possibles. D’autant que depuis que le réchauffement climatique y ajoute son grain de sel, les prévisions sont de plus en plus pessimistes. Si, selon les climatologues, nous ne faisons rien ou pas plus que nous ne faisons actuellement, nous courons à la catastrophe en 2050 et pire encore en 2100.
Hélas, l’astrobiologiste Jack o’Malley James ne se montre guère plus rassurant pour les siècles suivants. En effet, plus le mercure monte dans le thermomètre plus l’eau des océans s’évapore et plus la vapeur d’eau s’accumule dans l’atmosphère. Elle absorbe certes le terrible dioxyde de carbone qui nous oblige aujourd’hui à acheter des voitures à moteur électrique. Mais à trop fortes doses, il sature les possibilités d’ingestion des poireaux, radis roses, tomates et autres choux pommés. En un mot, dans 2 millions d’années, les espèces végétales commenceront sérieusement à décliner. Adieu dès lors aux veaux, vaches, cochons et couvées qui en dépendent. Les poules ne trouveront plus ni orge ni blé à picorer et les boulangers non plus pour faire leur pain. Les buveurs de thé devront abandonner leur rituelle cérémonie du "five o’clock" et les amateurs de bière pression sur le zinc leurs brèves de comptoir. Les adeptes du véganisme seront d’ailleurs les premiers à s’éteindre faute de végétaux à brouter. Mais ils seront bientôt suivis par les viandards à tout crin, faute d’entrecôte à mettre dans leurs assiettes.
Les industriels de l’alimentation, aujourd’hui si décriés mais si habiles à fabriquer de la nourriture avec si peu d’ingrédients naturels, pourront-ils malgré tout concocter quelques-unes de ces recettes dont ils gardent jalousement le secret ? Si oui, pourront-ils tenir, ainsi que leurs clients, pendant près de 2,8 milliards d’années encore, date limite de toute existence biologique sur Terre ? Au vu de l’espérance de vie actuelle, cela semble peu probable. Les partisans eux-mêmes de la cuisine du Sud-Ouest ne pourront plus faire chabrot depuis longtemps.
On voit par-là que l’avenir des petits-enfants des futurs centenaires nés avec le siècle s’oriente vers de grandes difficultés. Il se rapprocherait même de la prédiction de John Maynard Keynes qui prophétisait qu’à long terme, nous serons tous morts. Ce à quoi répondent invariablement nos écologistes d’aujourd’hui que brûler ses meubles n’est pas forcément une méthode durable pour chauffer son logis. Ils n’ont pas tort, naturellement. Même si nous le pratiquons depuis toujours. Quoi qu’il en soit de toutes prospectives futuristes, les astrophysiciens les plus sérieux s’accordent à penser que l’aventure cosmique de notre planète devrait connaître une issue fatale d’ici 7,5 milliards d’années, environ, lorsque le soleil, devenu une géante rouge, l’aura absorbée en son sein. Et comme nul à ce jour n’a encore trouvé le moyen d’échapper à ce funeste destin … Sauf bien sûr à sortir de notre système solaire sinon même à changer de galaxie. Mais admettons que nos lointains descendants y parviennent, ne risqueraient-ils pas d’être obligés alors de changer également d’univers ?
En attendant et puisqu’il ne pleut pas, je vais en leur abri remiser mes bûches de frêne et châtaignier. Elles devraient bien avoir fini de sécher pour l’hiver 2024/2025 ! Le proverbe bantou ne dit-il pas que mieux vaut commencer par l’optimisme puisqu’on aura largement ensuite le temps de se lamenter.