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1956 – La Crise du canal de Suez – Intervention soviétique en Hongrie

Publié le 13 février 2024 par Perceval

Le président égyptien Gamal Abdel Nasser annonce le 26 juillet 1956 la nationalisation de la Compagnie du canal de Suez. Il refuse la négociation et une administration internationale du canal de Suez.

Une opération militaire anglo-française est mise sur pied.

1956 Crise canal Suez Intervention soviétique Hongrie

La France en outre reproche à l'Égypte de soutenir le mouvement de libération nationale algérien.

La surprise vient d'Israël, qui, le 29 octobre, envahit la bande de Gaza et le Sinaï égyptien. Cet accord secret avec Israël, tenait à renforcer la sécurité d'Israël, contre des attaques incessantes égyptiennes.

La France et le Royaume-Uni bombardent Port-Saïd le 31 octobre. Le 5 novembre anglais et français sont parachutés, et le soir l'URSS envoie l'ultimatum de leur intervention. Washington avec l'accord de Tel-Aviv, appellent à '' mettre fin à l'agression '' pour empêcher la guerre.

Sous la pression des Nations unies, des États-Unis et de la Russie, le cessez-le-feu est fixé pour le soir du 6 novembre à minuit.

Pour la France - leurrés par ses alliés - l'opération est considérée comme une défaite diplomatique imputable à Guy Mollet.

Nasser gagne en prestige auprès des Etats arabes.

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Le 23 novembre 1956 une proclamation du ministère des Affaires religieuses égyptien lue dans toutes les mosquées affirme que : " Tous les Juifs sont des sionistes et des ennemis de l'Etat" et promet leur expulsion prochaine d'Egypte. Ils sont 60 000 environ et sont alors forcés de quitter le pays et se réfugieront en grande partie en Israël, en France ainsi qu'au Brésil, en Argentine et aux Etats-Unis.

Nasser ordonne l'expulsion de tous les européens présents dans le pays.

Seuls - grâce à l'activité diplomatique du Vatican - les ecclésiastiques européens échappent à l'expulsion.

La présence française et son rayonnement dans l'élite égyptienne, est balayée. De nombreux français d'Égypte ( dont 300 instituteurs), mais aussi des Grecs, des Libanais et des coptes, arrivent en France.

1956 Crise canal Suez Intervention soviétique Hongrie
1500 chars soviétiques s'emparent de Budapest

Octobre 56, dans les rues de Budapest, des manifestations contre la tutelle soviétique demandent l'abolition du parti unique. Un nouveau gouvernement, sous la direction d'Imre Nagy, prend fait et cause pour les insurgés. Il proclame le retrait du pacte de Varsovie et promet d'organiser des élections libres.

Le 2 novembre, Etienne Fajon (directeur de l'Humanité) écrit qu'en Hongrie se déploie " un mouvement contre-révolutionnaire illégal aidé de l'extérieur, puissamment armé, préparé par des cadres expérimentés de l'ancienne armée fasciste. ".

Nikita Khrouchtchev charge l'Armée rouge de liquider l'insurrection hongroise par la force.

Le 4 novembre, une importante armée soviétique envahit Budapest et les autres régions du pays. La résistance hongroise continue jusqu'au 10 novembre. 2500 hongrois sont tués, et 200 000 fuient et se réfugient a l'Ouest. Un nouveau gouvernement a la solde de Moscou est retabli, et referme toutes les frontières.

1956 Crise canal Suez Intervention soviétique Hongrie
6 Nov 1956 - Hongrie - Egypte

Le 4 novembre l'Humanité célèbre " l'échec final de la contre-révolution. "

A Rome, Pie XII relève la différence entre le traitement que l'O.N.U. a réservé à la France et à la Grande-Bretagne pour l'affaire de Suez, et à l'Union Soviétique pour l'affaire de Hongrie ; en effet la lettre d'Imre Nagy, demandant le 2 novembre 1956 que l'O.N.U. garantisse la neutralité hongroise, est restée sans effet.

Lancelot indique que nos ''renseignements'' sont clairs : pendant que la France et la Grande Bretagne sont occupés par Suez, et que les américains - en retrait- craignent un embrasement mondial ; Khrouchtchev nous montre son vrai visage. N'oublions pas que le début de l'année 1956, avait été marqué par le rapport Khrouchtchev qui dénonçait le culte de la personnalité de Staline.

A propos duquel, Sartre considérait que cette dénonciation de " tous les crimes d'un personnage sacré, qui a représenté si longtemps le régime, est une folie... " !

La revue Esprit accueille de nombreux intellectuels hongrois, Domenach écrit : " Grâce à eux, il devint évident que l'oppression n'était plus le fait d'un seul camp, et qu'il n'existait pas seulement l'impérialisme américain, mais aussi - ô scandale ! - un impérialisme soviétique. "

Sartre récemment converti au communisme réplique : " Les gens qui n'ont pas protesté contre les tortures en Algérie et contre Suez sont aussi totalement dénués du droit de protester contre les événements de Hongrie . "

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Lancelot remarque que nombreux sont les intellectuels qui craignaient de passer pour des anti-communistes ; mais actuellement, l'intervention soviétique en Hongrie rend leur position difficile...

Rougemont lance un appel à mettre le communisme soviétique " au ban de l'humanité ", et interroge Sartre sur ce qu'il a cru dire sur Suez...

En réaction à l'actualité Lancelot rencontre Edgar Morin, qui souhaite créer une nouvelle revue '' Arguments'' pour aider à " passer d'une critique de la pensée établie d'origine marxiste à une révision critique de toutes les idées.. ! "

Ce qui désarçonne Lancelot, c'est son idée de ''pensée planétaire'' qui lui fait dire que l'Europe lui semble une cause beaucoup trop " étriquée ". Rougemont considère là une contradiction d'affirmer en même temps que " c'est l'humanisme européen qui m'entraîne au-delà de ma province européenne au nom de l'universel. ".

Rougemont critique ce choix des intellectuels à dénoncer " des scandales lointains, d'appeler au soutien de causes lointaines (...). Ils abandonnent les problèmes prochains (et du prochain) aux soins - tournés en dérision - des technocrates ". Il pense aux technocrates européens qui font l'impasse d'une grande Idée européenne, pour créer le ''Marché Commun''

1956 Crise canal Suez Intervention soviétique Hongrie

Depuis la mort de sa grand-mère, Elaine de Sallembier ( 12 ans) , a retrouvé la vie parisienne et sa mère, Geneviève beaucoup plus présente au domicile, avenue Victor-Hugo.

Elaine fréquente le lycée Jean de la Fontaine, grand bâtiment des années 30, avec ses grandes portes en fer forgé.

Lancelot constate avec intérêt, l'évolution qui s'est opérée chez sa femme. L'entrée des chars russes dans Budapest, semble avoir été un point de non-retour. Son mentor, Dominique Desanti rend sa carte du PC. Geneviève veut même reconnaître son trouble, lors des exclusions de Marty et Tillon.

Les camarades, dit-elle, semblent ignorer le contenu du rapport Khrouchtchev, que nous avions découvert dès le mois de mars. Même l'historienne Annie Kriegel exprime publiquement sa déception. Étrangement, la scientifique Eugénie Cotton dit pleurer " sur la mort de milliers d'êtres humains en Algérie, en Égypte et en Hongrie ", mais ne condamne pas la répression soviétique ; elle ajoute : " il ne faut pas que, ce que nous considérons actuellement comme des erreurs, puisse ébranler notre confiance dans les forces du progrès ".

Emmanuel Leroy-Ladurie (1929- ), quitte le parti, le jour même de l'intervention soviétique. Son père avait été ministre vichyste, puis résistant. Jeune catholique provincial ; en 1950-51, à Normale Sup, comme un bon quart des élèves, il prend la carte du PCF. Il écrit : " Nous représentions la violence symbolique mise au service de la raison historique. " ; elle s'accompagne d'une soumission tout aussi étonnante à "l'autorité du Parti". Sa rupture en 1956, va se poursuivre par un retour progressif au catholicisme de sa jeunesse.


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