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1957- Camus – l'Algérie

Publié le 23 février 2024 par Perceval

1957- Camus l'AlgérieLe contingent pour l'Algérie

L'actualité de 1957, pour un métropolitain comme Lancelot, porte son attention, le plus souvent, de l'autre côté de la Méditerranée, en Algérie, un prolongement de la France que connaît bien peu de français. De jour en jour, Lancelot observe que les français comprennent qu'il ne s'agit pas seulement d'une question de maintien de l'ordre public. De plus, l'envoi d'appelés du contingent en Algérie ne transforme t-il pas ces ''événements'' en ''guerre'' ?

Enfin, le 8 janvier 1957, 8000 paras investissent Alger pour ''rétablir l'ordre'' ; le gouvernement français Guy Mollet ( SFIO) vient de confier au général Jacques Massu les pleins pouvoirs de police.

En ce mois d'Octobre 1957, alors que l'on pressentait Malraux ( ou Boris Pasternak, ou Saint-John Perse ou Samuel Beckett... ) accéder au Nobel ; c'est un homme de 44ans, Albert Camus (1913-1960), qui reçoit le prix le plus prestigieux des prix littéraires.

Camus est né et a vécu en Algérie dans un quartier populaire, sa mère est illettrée ; il s'est engagé jeune (1935) au Parti communiste. Avant la guerre, il dénonce le sort réservé aux musulmans. Il réfléchit à la notion de ''fédéralisme'' des cultures qu'il oppose au ''nationalisme'' d'un pays.

Il constatait dans le journal '' Alger républicain'' du 6 octobre 1938 " (...) nous comptons lutter contre le conservatisme social qui entend maintenir nos amis indigènes sur un plan d'infériorité ". En juin 1939, déjà, il publiait un reportage " Misère de la Kabylie ", et en mai 1945, il écrivait une série d'articles, sous le nom de " Crise en Algérie ".

1957- Camus l'Algérie
Albert Camus - 17 octobre 1957

En 1955, dans l'Express, au regard des ''événements'', il précise sa pensée : " Il faut choisir son camp", crient les repus de la haine. Ah ! je l'ai choisi ! J'ai choisi mon pays, j'ai choisi l'Algérie de la justice, où Français et Arabes s'associeront librement ! "

Ensuite, Camus semble ne plus choisir, les intellectuels dénoncent son silence.

Puis, à l'occasion de la remise de son Nobel, Lancelot lit le compte-rendu dans le Monde (14 dec 1957) d'un exposé d'Albert Camus fait aux étudiants suédois sur son attitude devant le problème algérien.

Une phrase lui est alors attribuée et choque beaucoup d'entre nous : " Entre la justice et ma mère, je choisis ma mère "...

Camus choisirait sa famille, c'est à dire sa communauté, celle des français d'Algérie plutôt que la justice, c'est à dire la lutte contre le colonialisme...

Pourtant, il ne s'agissait pas de cela : plus tard, le traducteur C.G. Bjurström, lui aussi témoin de l'échange, rapportera une version différente, et reconnue par d'autres témoins :
" J'ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi un terrorisme qui s'exerce aveuglément.. En ce moment, on lance des bombes dans les tramways d'Alger. Ma mère peut se trouver dans un de ces tramways. Si c'est cela la justice, je préfère ma mère. "

Camus dénonce le terrorisme.

Voici un extrait du discours du banquet Nobel, qui exprime l'état d'esprit d'Albert Camus, en cette fin d'année 1957 :" Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde, la mienne sait pourtant qu'elle ne le refera pas. Mais sa tâche est plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. Héritière d'une histoire corrompue où se mêlent les révolutions déchues, les techniques devenues folles, les dieux morts et les idéologies exténuées, où de médiocres pouvoirs peuvent aujourd'hui nous détruire mais ne savent plus convaincre... "

Le 1er janvier 1958, entre en vigueur, le Traité de Rome signé, le 25 mars 1957, par six pays : la Belgique, la France, l'Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et l'Allemagne de l'Ouest. Il instaure la Communauté Economique Européenne (CEE). Après l'échec de la CED ( sur la Défense, donc) , se met en place une coopération économique.

Ce 1er jour d'an est également diffusé, sur la seule chaîne de télévision de RTF, le premier épisode des '' Cinq dernières minutes'', une série d'émissions policières de Claude Loursais, avec Raymond Souplex dans le rôle de l'inspecteur Bourrel. En radio, France IV, laisse la place à France / Paris-Inter.

On dit la France en plein essor : le PIB, la natalité, les ''vedettes'' du cinéma avec Brigitte Bardot et Jeanne Moreau, Lino Ventura et Gérard Philippe

1957- Camus l'Algérie

Lancelot tient beaucoup à sa Traction Avant de Citroën, seule la future DS pourrait lui donner envie de changer de voiture.

La SNCF est aimée des français ; l'image des cheminots est bonne ( célébrée avec un film la Bataille du Rail (1946) ), on annonce de nouveaux records de vitesse, et le slogan " Une gare dans chaque commune " permet d'envisager d'échapper aux embouteillages ( Nous avons très peu d'autoroutes). Lancelot admire la Caravelle, un biréacteur qui peut atteindre 770km/h. qui va effectuer son premier vol vers New-York.

Le point noir reste le téléphone : '' la moitié de la France attend le téléphone, tandis que l'autre attend la tonalité. '' : bien trop souvent, il faut encore passer par l'intermédiaire d'une opératrice. ; on s'amuse d'entendre Fernand Raynaud, avec le '' 22 à Asnières''. Les gens veulent le téléphone chez eux ; mais les listes d'attente s'allongent d'année en année.

A la surprise du monde, le 4 octobre 1957, l'URSS met en orbite Spoutnik 1, le premier satellite artificiel de l'Histoire. Nous en reparlerons. Nous déplorons, en France, en 1957, seulement 9500 nouveaux bacheliers scientifiques; 30.000 seraient nécessaires.


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