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13 février 1960 – la Bombe A

Publié le 03 avril 2024 par Perceval

février 1960 Bombe

Ce 13 février 1960, Lancelot accompagne le général Albert Buchalet dans le Sahara algérien, à la base de Reggane ( à 1000 km au sud-est de Casablanca ); ici a été construite une cité souterraine, dans les contreforts d'une vallée, où ont travaillé 6.000 à 7.000 personnes. Il s'agit d'un PC atomique d'où la mise à feu d'une bombe atomique française, une bombe de type A, sera télécommandée. A 40 km de la tour, en haut de laquelle est fixée la bombe.

Le physicien Yves Rocard, l'un des scientifiques présents, explique que l'explosion se produit " à 100 mètres d'altitude, la moitié supérieure de la boule de feu orientée vers l'air libre et la moitié inférieure vers le sol tout proche ". La puissance de l'explosion, baptisée " Gerboise bleue ", atteint 70 kilotonnes de TNT, soit plus de trois fois celle de la bombe larguée par les Américains sur Hiroshima.

Sont présents également, Charles Ailleret, chef du Commandement interarmées des armées spéciales, Pierre Messmer, le tout nouveau ministre des Armées, et son prédécesseur, Pierre Guillaumat.

A moins 2 minutes, les hommes les plus proches, prennent la position de sécurité (assis au sol, dos tourné à l'explosion, tête entre les genoux, protection des yeux avec les coudes repliés). Le lancement de fusées (orange et blanche) indique que l'on est à moins d'une minute de l'explosion. Les haut-parleurs arrêtent de diffuser de la musique, puis le compte à rebours démarre.

A 7h04, l'explosion retentit au loin durant 14 secondes. Un champignon de fumée se développe lentement dans le ciel. Malgré les lunettes de protection, Lancelot est surpris par l'éclair extraordinaire, et se sent traversé par la lumière. L'onde de choc impressionnante suit, et le champignon de fumée se développe lentement et se disloque, le bas reste mauve, le jour se lève, à moins que ce soit la lueur toujours là qui y contribue..

Bientôt, la vie reprend sur la base.

Tout le monde ici, ressent un sentiment de fierté, et celui d'avoir vécu un événement scientifique et historique pour la France.

Le ministre reçoit par télégraphe, un message depuis Paris du Général de Gaulle : " Hourrah pour la France. - Depuis ce matin elle est plus forte et plus fière. Du fond du coeur, merci à vous et à ceux qui ont, pour elle, remporté ce magnifique succès "

février 1960 BombeDissuasion nucléaire CEA - Charles de Gaulle déclenche le tir "Bételgeuse ", explosion nucléaire sous-ballon sur l'atoll de Mururoa, accompagné des ministres Alain Peyrefitte et Pierre Messmer,1966

Reste alors, pour la France, à s'attaquer au palier suivant: la bombe '' H '', plus puissante encore, qui fait appel à la fusion de deux atomes légers. La bombe A fait appel à la scission d'un atome lourd d'uranium ou de plutonium.

Après le succès de ce premier tir, de Gaulle fait pression sur les équipes du CEA, et de la DAM, pour qu'elles mettent rapidement au point la bombe à Hydrogène.

Cependant, beaucoup de monde au CEA, considère que la bombe A est suffisante. Des militaires de haut-rang préfèrent conforter l'armement classique.

février 1960 Bombe10 mars 1960 - Le président Charles de Gaulle salue le physicien et haut commissaire du CEA Francis Perrin

De Gaulle considère, lui, que la bombe A n'est qu'une étape, qu'en réalité elle est obsolète. La doctrine de la dissuasion nucléaire, repose sur une bombe si puissante, qu'il est impossible de s'en servir. Parce que trop de force tue la force, cette nouvelle arme absolue serait à même de maintenir durablement l'équilibre des terreurs et donc, paradoxalement, la paix.

La France doit absolument rattraper son retard, si elle veut être sur un pied d'égalité avec ses alliés d'hier et garantir sa sécurité de demain.

Il s'agit donc de percer le mystère de la bombe à hydrogène, la bombe H, une entreprise laborieuse encore en 1960, entourée de mystères.

Les physiciens du CEA butent sur d'importantes difficultés techniques ; en particulier, ils ne parviennent pas à mettre au point le déclenchement de la fusion nucléaire.

On ne peut également éluder les interrogations de nombreux scientifiques, dans la lignée de Frédéric Joliot-Curie et de son Appel de Stockholm en 1950, sur leur responsabilité. Beaucoup dénoncent la guerre atomique dont ils ne veulent pas être les complices.

De nombreuses protestations à l'étranger, ont suivi l'explosion de la première bombe atomique française à Reggane ; an particulier du fait des retombées radioactives. Le général Charles Ailleret, responsable de cet essai, à ce propos répond à un journaliste : " Nous n'avons pas à nous inquiéter de cette pincée supplémentaire négligeable de radioactivité lointaine que nous introduirons dans le monde ". (France 1, Paris Inter, 20 février 1960)

Le président Charles de Gaulle salue le physicien et haut commissaire du CEA Francis Perrin dans la cour d'honneur des Invalides à Paris le 10 mars 1960 lors de la remise de la croix de la Légion d'Honneur aux militaires et physiciens de la "promotion atomique" pour leur participation à la mise au point de la première bombe atomique française, Gerboise bleue, qui a explosé le 13 février 1960 à Reggane dans le désert algérien.

février 1960 Bombe

Le R.P. Dubarle, réagit par un article dans Le Monde du 14 février 1960 " Sur une détonation, en soi de peu d'importance "

"...Il se peut qu'un armement nucléaire proportionné aux possibilités françaises puisse être un instrument de quelque valeur au service d'une politique nationale sagement et courageusement conduits. En tout cas nul ne saurait à l'avance se faire fort du contraire. Cela a été choisi. Soit : reste à faire la politique et non la rhétorique de ce choix. Or il se trouve que cette décision et son fait accompli posent sur le champ à notre monde entier tout un ensemble d'excellents problèmes, et donnent à la France l'occasion de parler un langage salutaire à tous, de mener un jeu à la fois très conforme à ses intérêts et aux vrais intérêts humains. C'est une chance qui lui est offerte. Seulement il lui faut s'en saisir. Cela demande à notre pays de prendre assez de hauteur vis-à-vis de lui-même et de son monde, afin de juger exactement de ce qu'on est dans le monde qui est. "


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