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Naaman (4) Acte II, scènes V à VII

Publié le 27 août 2008 par Lilianof

Scène V

FARIKA – LEA – NAAMAN

NAAMAN

Hélas ! Malheur à moi ! Quel horrible tourment !

FARKA

Le voilà ! Quelle plainte et quel visage sombre !

NAAMAN

De mes jours de malheur quel est encor le nombre ?

LEA

Parlez-lui, Farika !

FARIKA

   Trop rude est le combat.

Le courage me manque. Non, je ne pourrai pas.

NAAMAN

Me pendre à ces colonnes, me noyer dans le fleuve…

FARIKA

Rimmon, fortifie-moi dans ma terrible épreuve !

LEA

Sauve-nous Eternel !

FARIKA

      Naaman, mon mari,

Que puis-je soulager ton pauvre cœur meurtri ?

NAAMAN

Laisse-moi !

FARIKA

      Mon ami, viens que je te console.

Léa, notre servante, par de douces paroles

Nous invite à l’espoir dans le dieu des hébreux.

NAAMAN

Il ne t’est pas permis de toucher un lépreux.

LEA

Mon cher maître, écoutez votre indigne servante,

Qu’un regard de mes yeux calme votre épouvante,

Qu’un seul mot de mes lèvres pénètre votre cœur

Et que mon doux conseil calme votre frayeur.

Le terrible Nazar ne sert qu’un dieu de pierre

Qui n’a ni fait le ciel ni modelé la terre.

Ne crains pas les oracles du servant de Rimmon.

Place-toi sous celui dont « je suis » est le nom.

Lui seul a le pouvoir de briser ton courage.

L’idole sur ton corps ne fera nul ravage.

La lèpre sur ta peau ne déchirera rien.

Celui qui te menace ouvre sa bouche en vain.

NAAMAN

Par Rimmon ! Quelle audace ! La fureur de ton maître

S’abat sur toi. Va-t'en ! Et que de disparaître

Tu me fasse à l’instant l’ineffable plaisir.

Tes stupides paroles je ne veux plus ouïr.

LEA (en pleur)

Pourquoi ne veux-tu pas… ?

NAAMAN

      Tais-toi, jeune insensée.

La malédiction est déjà prononcée.

Regarde !

(Il découvre son bras.)

      N’est-ce pas l’œuvre de notre dieu ?

Cesse de blasphémer, ouvre enfin tes beaux yeux.

Rimmon est tout puissant, il dirige, il gouverne.

Tes consolations ne sont que balivernes.

Quittez-moi toutes deux et laissez-moi mourir !

FARIKA

Mon cher époux…

NAAMAN

   Va-t'en !

FARIKA

      Que tu me fais souffrir !

NAAMAN

Trouve un autre mari, laisse-moi disparaître,

Pour la servante juive désigne un autre maître.

FARIKA

Venez, chère Léa, il n’écoutera point.

LEA

La parole de Dieu, telle un glaive à mon poing

Me réclame au combat. Je ne romps pas la lutte.

L’âme de Naaman l’ennemi me dispute,

Ignorant la puissance que l’Esprit met en moi.

FARIKA

Mon mari est malade, et toi folle, ma foi.

LEA

Écoute-moi, bon maître, je ne saurai me taire.

NAAMAN

Quel nouveau coup d’éclat vas-tu encore me faire ?

LEA

La lèpre t’a touché, soit, j’ai fait une erreur.

Est-ce de ton Rimmon que te viens ce malheur ?

Admettons ! Je connais, moi, le Dieu de la vie,

Celui qui vainc la mort, brise la maladie.

O viens à sa rencontre, ô maître Naaman,

Ce Dieu toujours fidèle, ami toujours aimant.

C’est lui qui t’a créé, c’est lui qui te fait vivre.

Veux-tu que de sa lèpre un jour il te délivre ?

NAAMAN

Quelle offrande ton Dieu me réclame en retour ?

LEA

Il ne demande rien. Il agit par amour.

Il exige une chose, car dans sa jalousie,

Il ne tolère pas qu’un autre dieu tu pries.

NAAMAN

N’adorer qu’un seul dieu ? On ne l’a jamais vu !

Pourquoi laisser les miens et pour un inconnu ?

Depuis ton arrivée, sur la même musique

Tu chantes qu’il nous faut servir ce dieu unique.

Comment le connais-tu ? en quel lieu le trouver ?

Tu le dis créateur, pourrais-tu le prouver ?

LEA

A quoi sert d’adorer le soleil ou la lune

Qui n’ont de sentiment ni de puissance aucune ?

Seul Eloïm possède un pouvoir créateur.

Qui a conçu les fruits, les arbres et les fleurs ?

Qui a formé les cieux ? Qui a fondé la terre ?

Qui a donné la vie d’un seul grain de poussière ?

NAAMAN

A l’idée d’un seul dieu je ne saurais céder.

Pour cet immense ouvrage ne l’a ton pas aidé ?

Un seul vrai dieu que tu prétends toi seul connaître

Te salue-t-il parfois en ouvrant sa fenêtre ?

LEA

Allons, ne raille pas.

NAAMAN

      Tu railles bien Rimmon.

LEA

Le seul vrai Dieu réside en son temple, à Sion.

NAAMAN

Supposons que ton dieu veuille écouter les larmes,

Comment fléchirait-il ? Dis-moi, et par quel charme… ?

LEA

A des hommes choisis mon Dieu s’est révélé.

Tels Moïse, plusieurs ont été appelés.

Tu devrais rencontrer le prophète Élisée.

NAAMAN

Un prophète, à présent ! sotte billevesée !

LEA

Prends garde d’insulter de Dieu le serviteur,

Son nom devrait suffire à t’inspirer la peur.

Accorde un peu de foi à ce glorieux maître :

La paix, la guérison, il te fera connaître.

Un jour chez une veuve emplie de désarroi[1]

Élisée demanda : « Que ferai-je pour toi ?

– Hélas ! mes deux garçons sont mis dans les entraves.

Le créancier le prit pour les vendre en esclaves.

Si je ne paie ma dette ils me seront ravis,

Mais je suis sans argent, n’ayant plus de mari.

– Te reste-t-il un peu de grain ou de farine ?

– A peine un vase d’huile pour contrer la famine.

– Alors ne tarde pas, va dans les magasins,

Emprunte des amphores, va chez tous tes voisins. »

Sans poser de questions, la femme obéissante

Collecta force jarres, ô fortunée servante !

La femme avait la foi, Elisée le pouvoir.

Ce fut le plus beau don qu’elle ait pu recevoir :

Les quelques gouttes d’huile apportées par la veuve

Des centaines de pots remplirent en un fleuve.

Elle paya sa dette et repris ses enfants.

Dieu l’a mise à l’abri du besoin maintenant.

NAAMAN

Curieux magicien qui multiplie de l’huile.

LEA

Plus tard, dedans Sunem, une petite ville,

Une dame très riche, mais pleine de piété

Se plaignit au prophète de sa stérilité.

Élisée aussitôt répara ce dommage :

D’enfanter largement elle avait passé l’âge.

Bientôt, grâce au Seigneur, un fils elle conçut.

NAAMAN

Ceci n’est que fortune. Je ne suis convaincu.

LEA

Un jour, devenu grand, oh ! quel jour de souffrance,

Travaillant dans un champ, tomba sans connaissance.

On l’emmena chez lui. Quel misérale sort !

Parvenu chez sa mère le garçon était mort.

On s’en alla quérir Elisée en urgence.

Le prophète comprit du défi l’importance.

Il entra dans la chambre où le garçon gisait.

Sur ce lit de malheur où plus rien n’espérait

Le saint homme de Dieu s’allongea sur sa couche,

Et sa main dans sa main, sa bouche sur sa bouche,

Et ses yeux dans ses yeux, se soudant à son corps,

Élisée lui rendit la vie sans un effort.

FARIKA

Si le dieu de Léa les défunts ressuscite,

Il te délivrera et te guérira vite.

NAAMAN

Voici le roi.

Scène VI

FARIKA – LEA – NAAMAN – BEN-HADAD

BEN-HADAD

      Je viens chez toi sans avertir.

Tant de bruits nous alarment et je n’y puis tenir.

De terribles nouvelles ici chacun m’informe.

Le cœur empli d’angoisse et sans aucune forme

Je viens savoir de toi si le fait avéré

Du corps de Naaman le mal est déclaré.

NAAMAN

Hélas ! La chose est vraie. De la lèpre la plaie

S’incruste sur ma peau, blanche comme la craie

Et je ne pourrai plus à la ville cacher

Longtemps ce corps meurtri, par l’opprobre entaché,

Car ce mal, il est vrai, pour l’homme n’est que honte.

Le mépris de mon peuple il faudra que j’affronte.

BEN-HADAD

Hélas ! Pour te sauver je n’ai aucun pouvoir.

FARIKA

Pour guérir Naaman demeure un seul espoir.

Sache, ô roi, que Léa, notre esclave fidèle

Connaît en son pays la main providentielle

Qui chassera sa lèpre. Servant de l’Eternel,

Le prophète Elisée, au pays d’Israël.

BEN-HADAD

Le pays d’Israël contre nous est en guerre.

LEA

Parlons plutôt de paix. Ton humble esclave espère

Qu’une telle action rapprochant nos pays

Sauverait ton héros et vous rendrait amis.

BEN-HADAD

Ami, n’hésite pas. Il faut prendre la route.

NAAMAN

Je ne partirai pas car mon esprit redoute

De ne trouver qu’échec et désillusion.

BEN-HADAD

Grand sot ! Pars sur le champ. Quel péril crains-tu donc ?

Reste dans ta maison, ta perte est assurée :

Lépreux tu périras. Va chez cet Élisée.

S’il ne fait rien pour toi il ne te tuera pas.

Pour t’aider je m’empresse à sceller une lettre

Qu’au roi de Samarie il te faudra remettre.

Scène VII

FARIKA – LEA – NAAMAN

FARIKA

Es-tu bien convaincu ? Partiras-tu ?

NAAMAN

   Je pars.

FARIKA

Prépare tes chevaux, ne souffre aucun retard.

NAAMAN

Je charge les chevaux, prépare l’attelage.

Je ne puis différer cet important voyage

LEA

De toutes les contrées que conçut l’Eternel,

Le plus beau des pays est celui d’Israël.

Dans ma belle patrie combien je voudrais être !

Avec vous, s’il vous plaît, emmenez-moi, mon maître.

NAAMAN

Ce n’est pas convenable. Voyager avec toi ?

Que dirait-on de nous dans la maison du roi ?

LEA

Qu’importe ce qu’on dit de l’insolente juive !

De revoir Samarie mon ardeur est si vive.

Je saurais te guider, je saurais te servir

Et je demeurerai fidèle à t’obéir.

NAAMAN

Voyager avec toi en laissant mon épouse ?

Ne redoutes-tu pas de la rendre jalouse ?

LEA

Qu’empêche Farika de nous accompagner ?

FARIKA

A rester en Syrie je dois me résigner.

Les affaires du maître et ma santé fragile

Me contraignent, hélas, à demeurer en ville.

Je redoute les ruses de cette Salia,

Mais ne crains aucun mal de ma douce Léa.

En toi, ma chère enfant, j’ai pleine confiance

Et je puis concéder sans en subir l’offense

Que vous deux loin de moi soyez prêts à partir.

Et je crains que Nazar ne te fasse subir

L’injuste châtiment de ton apostasie

Et ne te fasse ici brûler pour hérésie.

NAAMAN

Allons ! Lève-toi donc et suis ton général.

Le temps que je t’apprenne à monter à cheval.

RIDEAU



[1] 2 Rois Ch. 4


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