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Sur la politique (deux)

Publié le 03 septembre 2008 par Saucrates

Réflexion treize
De l’obligation de participer à l’entretien de la cité à proportion de ses moyens

Il y a quelques millénaires, la citoyenneté était inventée et théorisée en Grèce, et l’exemple d’Athènes est arrivé jusqu’à nous grâce aux écrits des philosophes antiques. Qu’était-ce que la citoyenneté ? D’abord le devoir et l’honneur de participer à l’entretien de la cité (constructions, force navale) à proportion des moyens de chacun. Cela faisait de ces grecs imposables (pour utiliser un anachronisme) des citoyens et des combattants, par opposition aux étrangers et aux esclaves.
De se rappeler que payer des impôts pouvait être considéré en ces temps-là comme un devoir et un honneur nous fait mesurer le fossé qui sépare notre époque de cette époque révolue, dont pourtant nos démocraties modernes se sont inspirées pour l’organisation et le partage du Pouvoir. Aujourd’hui, en France, le sport national, après le football, demeure le fait de tenter d’échapper aux services fiscaux et de payer le moins possible d’impôts directs. Les plus riches de nos compatriotes s’exilent pour des raisons fiscales dans des Etats plus cléments en matière de fiscalité (Royaume-Uni pour les topmodels, Suisse pour les acteurs, Argentine pour les chanteurs). Les classes moyennes recherchent toutes les astuces de défiscalisation pour réduire l’impôt qu’ils devront payer. Et une grosse partie de la population française est exonérée d’imposition sur le revenu, dont une partie parce qu’elle ne déclare pas ses revenus d’activité, grâce au système du travail non déclaré.
Comme l’exemple grec est lointain. Le pire, c’est que tous nos riches compatriotes exilés vivent cependant toujours une bonne partie de l’année en France, et continuent d’user de tous les biens et services publics dont ils n’assurent pourtant plus l’entretien par le paiement de leurs impôts. Ils ne cessent d’utiliser ni nos réseaux routiers, ni nos aéroports, construits et entretenus grâce à l’argent public. Ils continuent également de faire appel aux forces de police et aux tribunaux (rémunérés également grâce à l’argent public) lorsqu’ils sont agressés, outragés ou dès que leurs droits (sur une chanson, sur une photo, sur un film) ne sont pas respectés. Il se pourrait même qu’ils usent plus de nos biens et services publics que nous, leurs compatriotes non exilés. N’est-ce pas un comble ? Comment peuvent-ils oser utiliser des moyens publics qu’ils refusent par ailleurs de financer à hauteur de leurs richesses ? Imaginons par ailleurs demain un nouveau coup d’Etat en Argentine et des massacres de civils par des groupes militaires ; ne risque-t-on pas de voir ces mêmes exilés solliciter l’aide de la France pour sauver leur vie. Je trouve ce genre de comportements révoltants.
La même analyse peut être par ailleurs étendue à tous ceux qui recherchent toutes les possibilités légales ou les montages moins légaux pour défiscaliser et diminuer leur fiscalité. Les départements d’outre-mer sont notamment plein de ce genre de personnes, de même que beaucoup de cadres des classes aisées. Ces personnes n’arrêtent pas pour autant d’user des biens et services publics. Ils utilisent tout autant que les autres les routes et autoroutes. Leurs enfants vont dans nos écoles (même privées, les écoles bénéficient d’aides publiques de fonctionnement) et dans nos crêches. Leurs véhicules et leurs domiciles ne sont pas placardés d’affiches informant les voleurs que ces personnes sont exclues de la protection des forces de police et que ceux-ci peuvent s’y servir. Mais pour autant, le comportement de ces personnes est-il normal, est-il juste ? Est-ce eux qui ont raison de profiter de toutes les failles du système, de jouer les passagers clandestins de notre société, en bénéficiant de tout sans en payer le prix ? Ou bien sont-ce ceux qui estiment qu’il est citoyen de payer normalement ses impôts sans chercher toutes les astuces fiscales imaginables pour en payer moins qui ont tord ?
Je ne le pense pas. Toute chose à un coût. Le fait de pouvoir bénéficier de notre système social et de nos infrastructures nécessite d’en assurer l’entretien au travers du paiement de ce qu’on doit. Ceux qui estiment que le ’fisc’ les escroque devraient quitter définitivement la France, et ne plus jamais y remettre les pieds.
La citoyenneté devrait être inséparable du fait de payer ses impôts. Il devrait y avoir des droits rattachés à cet acte citoyen. Pratiquement tout le monde utilise les services et biens publics. Tout le monde devrait également participer à leur entretien grâce au paiement de l’impôt sur le revenu, même si c’est de manière symbolique pour les plus faibles revenus. Et les plus riches contribuables en exil, ou bien ceux qui défiscalisent leurs revenus, ne devraient plus pouvoir bénéficier des mêmes droits que les autres citoyens.
Conception fasciste de la citoyenneté ? Les anciens grecs étaient-il fascistes ? Non ? Il est clair que leur démocratie était peut-être plus 'fasciste' (anachronisme ... il faudrait dire violente, participative et plus riche) que la nôtre. Notre société, et c’est encore plus vrai pour les plus riches de nos contemporains, a tendance à ne mettre en avant que les droits individuels, et oublier les devoirs de chacun. Il serait bon de refonder l’acte de citoyenneté. De faire en sorte que des droits soient attachés à l’acte de payer ses impôts. L’une des solutions à retenir est de légiférer. Nul besoin pour cela de modifier la Constitution ; il suffit de réformer le code des impôts et de sociétés, de supprimer le plus possible de possibilités de défiscalisation et de montages fiscaux. De limiter les possibilités de défiscalisation à un certain montant ou pourcentage des impôts. Et de réformer les tranches d’imposition pour généraliser le versement même symbolique de l’impôt.
Mais quel parti politique aura le courage de s’attaquer à ce problème. La gauche comme la droite ont participé à la création de niches fiscales. Et la gauche ne souhaite qu’annuler les dispositions prises par la droite depuis 2002, mais en aucun d’annuler ses propres déductions et réductions d’impôts (emploi de personnes à domicile) aussi injustes que celles de la droite.
Bien sûr, certains diront que les exilés fiscaux et les défiscalisateurs paient malgré tout quelques impôts en France (TVA, impôts locaux sur leurs immeubles, etc ...). Au fait, ’éxilés fiscaux’ ; ce terme me rappelle les nobles exilés en Angleterre fuyant la Révolution française. Peut-être par analogie faudrait-il pour eux également rétablir l’usage de la guillotine et criminaliser l’exil ou la fraude fiscale. D’une certaine manière, un peu comme aux Etats-Unis.

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