Réflexion six
Crises et révolutions
En France, les crises politiques se suivent. Juste avant le mondial, on parlait surtout de l’affaire CLEARSTREAM et de l’implication de certains hommes politiques. Fini le conflit du CPE et les manifestations syndicales et estudiantines. En voie de disparition la division entre pro et anti constitution européenne. Oubliée la crise des banlieues et les incendies allumés par des jeunes français s’estimant mal intégrés. Une crise suit l’autre. Finie aussi l’horreur d’une présence de l’extrême droite française au deuxième tour de la présidentielle, et le choix corneillien entre un candidat de droite peu apprécié et un candidat d’extrême droite honni, mais dont personne ne connaissait exactement le programme économique, social, ni même en matière d’immigration.
Pourtant rappelons-nous d’un passé récent. On n’a pas encore oublié qu’un président, qui avait obtenu moins de 20% des voix au premier tour, fut élu très largement au deuxième tour avec plus de 80% des voix. Mais ceci est surtout rappelé par des hommes politiques de gauche l’accusant d’avoir mener un programme politique uniquement favorable à ses électeurs du premier tour. C’est bien sûr oublier que Jacques Chirac fut le premier président réellement élu en tant que rassembleur de la démocratie, fasse à un candidat d’extrême droite récusé par une large majorité des français. Mais que la légitimité du programme politique du gouvernement de droite lui fut donné par les élections législatives de 2002, qui vit une très large victoire de l’UMP, l’effondrement des partis de gauche et la démission de leur leader. Ce dernier démissionna en effet après avoir été battu dès le premier tour de l’élection présidentielle, à la fois en raison de la multiplicité des candidatures se réclamant d’un programme de gauche, et de l’absence de réflexions des électeurs de gauche, oubliant que deux candidats seulement pourraient se présenter au second tour. Cette leçon suffira-t-elle pour 2007 ?
Il est donc vain d’accuser la droite d’avoir mené une politique de droite depuis 2002. C’est le mandat que la Nation a donné aux parlementaires UMP après leur large victoire législative. Pouvait-on imaginer Jacques Chirac ne pas confier la désignation du gouvernement à un premier ministre sorti du parti majoritaire ? Certains pensent-ils que Jacques Chirac était secrètement un sympathisant du parti socialiste, et qu’en découvrant que les électeurs du parti socialiste l’avaient choisis, il se découvrirait transi d’amour pour les idées socialistes, et nommerait un gouvernement minoritaire socialiste ? Soyons sérieux !
La gauche française a des qualités et des défauts. Parmi ses qualités, il faut rappeler que pratiquement aucun de ses électeurs n’a manqué au candidat de droite en 2002, d’où un score sans aucune contestation. Ceci a même pu conduire certains autres pays à nous rapprocher de pays aux pratiques démocratiques douteuses. Mais il n’y avait rien de douteux dans ce score, si ce n’est le parfait fonctionnement d’une démocratie et le sursaut légitimiste d’un électorat tétanisé par la peur du retour d’un éventuel fascisme. Dans la situation inverse, je ne pense pas que les électeurs de droite auraient été aussi nombreux à voter pour un candidat de gauche face au même candidat d’extrême droite. Le chemin à parcourir pour se reconnaître dans le programme de ce candidat aurait peut-être été moins long, puisque la droite et l’extrême droite partagent de mêmes références sécuritaires et immigratoires.
Mais la gauche française a aussi ses défauts, dont cette croyance en un possible retour de la Révolution fondatrice, cette attirance pour les mouvements sociaux, et cette croyance en la suprématie de la rue sur les résultats des urnes ... le troisième tour social comme certains l’appelaient. Des révolutionnaires toujours prêt à se rallier à toute nouvelle contestation, à reprendre les revendications du mouvement, en y rajoutant ou en faisant partager leurs antiennes. Des révolutionnaires jamais découragés à chaque fin de mouvement social, lorsque les masses qu’ils escortent reprennent le chemin du travail, lorsque les dernières AG votent la reprise du travail et l’arrêt de la contestation, en étant sûr que la prochaine fois sera enfin la bonne.
Leurs intentions sont-elles louables, à tous ces révolutionnaires en chambre ? Ou bien ne pensent-ils qu’à leur seul intérêt politicien ou personnel ? Ne sommes-nous pas manipulés pour faire avancer les ambitions politiques ou personnelles de certains ?