Le tarin sifflera trois fois

- Sniiiiiirfl!
- Pouêêêêêt!
- Reuh! Reuh! Teuheu! Reuaarghhh!
- Snirrrrrrfl!

Voilà le genre de mélodie hivernale qu'on entend en boucle, et sans avoir besoin de se ruiner  le conduit auditif avec les petites boules bien dures d'un I-Pod (si quelqu'un avait la gentillesse de m'expliquer pourquoi le bon vieux casque de grand-mère a été progressivement remplacé par des suppositoires auditifs nécessitant l'emploi de vaseline auriculaire, ça me ferait plaisir, j'ai toujours soif d'apprendre).

Symphonie pour gros pif engorgé.
Putain de goutte au nez.

Et non seulement ça fait suffisamment de bruit pour qu'on puisse éventuellement confondre  le moindre murmure avec un extrait audio de Massacre à la tronçonneuse, mais en plus ça donne définitivement l'air très con dès qu'on essaie de s'exprimer:
- Ouh, t'as pas l'air dans ton assiette, toi.
- Dan.
- Ben keskia?
- 'Suis balade.
- Ah bon?
- Ouais. Rhube. Dez bouché. Bal au crâne. Snirrrrf!
- Ah ouais, dis donc, t'en tiens une bonne...
- Reuhhhaaaargh!!!!
- Dis voir, je te laisse, j'ai promis à ma cousine de venir l'aider à finir sa maquette de la navette Challenger tout en allumettes et en boîtes de camembert, elle habite à Trou-Du-Cul dans la Creuse, j'ai un RER dans trois minutes, mais c'était vraiment sympa de te voir, tu sais.
Voilà.
C'est un autre effet indésirable: on fait le vide autour de soi.
Les rats quittent le navire.
Dans les rayons de l'hypermarché de merde, on fait marrer les ménagères au caddie débordant de malbouffe qui ont deux ou trois chiards cramponnés à leurs jupes (jupes dont la taille XXL  fait planer l'ombre du soupçon sur  la grille des programmes de rentrée deTF1 et les ventes exponentielles de barres chocolatées).

Parce qu'on a un caddie un peu "à part", vu qu'il est rempli aux trois-quarts de packs de kleenex par 36.
Du coup, on est un peu le mouton noir, le déviant, le point noir sur la face brillante, lisse et lunaire de l'espèce "Femelle-en-chasse-au-rayon-surgelés". 
On fait tache. On est regardée de travers.
Qui est cette conne qui trimballe des kilos de mouchoirs en papier au lieu de venir bravement défier ses rivales pour la possession de la dernière pizza "Quatre Fromages"?
Comment ça, elle ne s'arrête même pas devant la tête de gondole des céréales hyperglycémiantes pour gamins obèses en promo jusqu'au 25 octobre? Elle ne sort pas ses griffes manucurées pour défendre son droit absolu à s'emparer de l'ultime bâton de rouge à lèvres "Bourgeoise-Mal-Baisée"?
Ben non.
Non.
Elle empile les mouchoirs et les flacons de Sterimar, l'Homéoplasmine et le sérum physiologique.
Elle a le pif en feu.
Elle respire à peu près aussi bien que le papa de Luke Skywalker, paix à son âme et que la Farce soit avec Lui à jamais.
Elle produit des litres, des flots, des océans de mucus verdâtre.

Et elle vous emmerde.
Et pour vous le prouver, elle vous joue en direct du rayon "produits allégés pour banlieusarde complexée" sa version toute personnelle de "J'entends siffler l'tarin".
- SNIIIIIIRFL!!! REUHARGHHH! POUET! AREUGHHH!

Et si d'aventure un spécimen particulièrement agressif de salope décérébrée venait à tenter une approche peu subtile dans le but évident de lui barboter l'ultime boîte de Paracétamol au rayon parapharmacie, elle serait bien capable de lui éternuer à la gueule en hurlant, telle une version féminine et engorgée du marin Matouchenko dans le chef d'oeuvre d'Eisenstein:

- Potemkine! Potemkine! Tu la sens, ma grosse bactérie?

Saloperie de rhume.

Saloperie de mouchoirs en papier made in China que la première giclée de slime transforme en confettis.Saloperie de banlieue.Non, ça n'a rien à voir.
Mais ça me soulage de le dire.