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Maelstrom organique

Publié le 08 septembre 2008 par Yannbourven
Dis-moi que nous allons survivre
Au sein de ce maelstrom organique
Nous tempons un sage dans une baignoire d'acide un philosophe dont la peau liquide représenterait nos deux passés ancrés dans la roche de ces mondes ces déserts inexplorés : quelques cellules convulsives une forme de vie primitive tente de subsister et puis deux millions d'années plus tard les mots sont lâchés : une littérature nue qui ne doit rien à personne explose enfin sous l'orage membres arrachés crânes brûlés du songe la révolution surréaliste a trop échoué, tu me caresses la main ici mon bébé nous marchons dans les rues de cette ville-maquerelle : impression de déjà-vu de déjà-écrit, le groupe de rap La Rumeur a dit : Paris nous nourrit, Paris nous affame, Paris nous tient..., cette vérité nous concerne au plus au point ! place de la République des mimes asociaux montés sur des estrades de verre nous content des histoires d'enfants rouges abandonnés, boulevard du Temple nous nous arrêtons devant la vitrine d'un local commercial inoccupé et nous songeons à notre librairie authentique et dangereuse que nous aimerions tellement monter (histoire d'éclairer les livres rares saturés de poésie sauvage susceptible de secouer les corps humains les plus éreintés), dans les parc des Buttes-Chaumont allongés sur l'herbe humide nous nous regardons respirer, ton ventre est une tempête de sable, et des vipères aux yeux cadenassées te mordillent les pieds, nous fumons et léchons les ciels d'aujourd'hui et la musique de ce casque grésille comme des insectes qui se perdent sous nos corps inanimés, des couples jouent se pelotent devant nous les enfants crient et deux jeunes skaters rient en terminant une bouteille de rhum bon marché, nous nous levons et décidons de traverser Paris à jamais, à la surface du canal Saint-Martin stagnent les ventres argentés des poissons morts qui nous chantent des vérités frelatées, nous marchons encore, près de Stalingrad dans une immense épicerie indienne nous trouvons de la bière blonde sous des sacs de gingembre et de cumin, et à la caisse un vendeur nous tend des brochettes surgelées, son sourire en noix de muscade te fait vaciller, rue Marx Dormoy tu fauches un bouquet de menthe fraîche et un petit sac de pignons de pin que tu donnes à un vieillard poilu qui lit avec attention un polar de la Série Noire planqué peinard dans son duvet bleu au centre d'un square où jouent des enfants autistes, rue de la Chapelle il ne fait pas encore nuit alors nous ne rentrons pas et faisons demi-tour et décidons de repartir boire un verre à Pigalle, rue des Martyrs devant une vitrine brisée je décide d'apprendre à jouer du saxophone pour te séduire encore, dans ce bar ailé les pintes de Grim se changent en lèvres violettes et parfumées et sifflent une musique ringarde qui nous coiffe le dos alors nous sortons et nous nous plongeons dans une nuit de crachin – c'est parti, nous retrouvons des amis la nuit commence ! nous glissons sur des trottoirs fantaisistes drapés de vieilles danseuses aux visages creusés de racoleurs à la panse gonflée, et nos bras se tendent taxis ! nous nous envolons rue de Lappe où l'on se torche au mojito pendant que la place de la Bastille recrache des cendres fantômes qui nous penchent dangereusement en avant, je m'endors dans des caniveaux d'après-mort, tu me reprends tu me catapultes ma douce, et nous sommes déjà arrivés dans ces rades sucrés situés près des Halles rue des Lombards, puis bus de nuit vers Charonne concerts rencontres éphémères sorcières apatrides, nous tripotons des statues monothéistes et le petit matin nous surprend : retour à la place Blanche où nous débattons dans ces bistrots d'insomnie allongés sur les tables les pieds perdus dans de vieux abreuvoirs révolutionnaires, et puis c'est l'heure de nous rentrer chacun de notre côté : retour avec toi sous le cagnard, nous allons prendre le métro, j'aimerais tellement te manger la nuque.
Dis-moi que nous allons survivre
Au sein de ce maelstrom organique
Ligne 12 nous prenons ce métro qui nous mènera jusqu’à la plage,
nous nous asseyons en conservant nos sourire niais,
près d’un clodo noir blotti comme effacé,
nous nous mettons à respirer puisque nous fuyons les anges homogènes,
croquant des pommes juteuses collés à la vitre nous nous souvenons du temps obscur lorsque nos corps à peine épais,
se déformaient sous le poids des monstres : nous fuyons le jour qui saute une guerre, le poème froid d’un repenti, qui étouffe encore sous un tas d’hymnes ou de prières ou de sifflets – des hommes bourrus des ouvriers se souviennent des rêves qu'ils faisaient, combattant leurs patrons leurs livres étaient presque achevés –,
le clodo noir se manifeste, il voudrait goûter d'la tendresse,
mais au bout du tunnel nous devinons une station presque vivante qui fut construite sous la pluie,
nous sortons de la rame le poing levé,
la plage la plage, nous la voyons belle et sincère,
elle est bien là rien a bougé,
véritable enfance chaotique : coquillages sables rochers soucieux chimères relatives,
nous marchons sur elle tellement immense,
nous quittons quelques cités d’autres incendies des résignés un autre cri une humeur un craquement un chargement des couteaux lancés vers des arbres qui dansent – tout est fragile presque cassé,
sur ce sable noir nous nous contentons de divaguer car tout est fait : costumes crasses rails ruelles chargées dormeurs et filets – tout est à recommencer :
alors nous prenons le métro jusqu’à la plage,
pour pouvoir rire et nous foutre,
du temps qui roule d’un sacrifice.

Dis-moi que nous allons survivre
Au sein de ce maelstrom organique

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