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Bourlingue brocanteuse

Publié le 27 septembre 2008 par Jlk
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Voyageur au long cours et aux vives passions polymorphes, Olivier Rolin revient en lice avec le livre le plus savoureux de la rentrée parisienne.
On pense au palais du facteur Cheval en lisant Un chasseur de lions. On se rappelle le Tartarin de Daudet et les images du Douanier Rousseau, les colonies à la fin du XIXe siècle et la kyrielle de personnages qui y prospéraient plus ou moins. Une première image nous invite à la partance dès la première page, et c’est, précisément, Le chasseur de lions, d’Edouard Manet, exposé en 1881 au Salon et inspirant à Huysmans ces propos peu amènes: «La pose de ce chasseur à favoris qui semble tuer du lapin dans les bois de Cucufa est enfantine. » A vrai dire, le chasseur en question l’est pour ainsi dire par raccroc, pour attester après coup un titre qu’il n’avait pas mérité quand il en fut affublé puisque de lion, il n’en avait pas vu l’ombre jusque-là.
Mais le modèle du personnage, un certain Pertuiset, était assez pittoresque pour inspirer un début de légende à la hauteur des oncles de Cendrars, d’ailleurs évoqués au passage, ayant mené une expédition «funambulesque» en Terre de Feu en l’année 1873, dont il reste une gravure dans une Petite histoire australe relative aux explorations du Grand-Sud trouvée par Olivier Rolin à Punta Arenas, où il «faisait un peu le journaliste» en pleine période de la guerre des Malouines. Voici donc Pertuiset «vêtu exactement comme sur le tableau de Manet» avec les «mêmes favoris, même moustache, même fusil, même air d’imposante connerie»…
Au-delà du pittoresque
Inventeur d’une «balle explosible» et trafiquant d’armes (Rolin l’imagine fricotant avec un certain Rimbaud), magnétiseur et chercheur de trésor, ce «vrai rhinocéros» incarne à la fois l’aventure et sa dérision, le héros pittoresque dont pourraient rêver Bouvard et Pécuchet, qui terrasse un ours au pied d’Alexandre II de Russie et allume les feux d’artifice de l’Exposition universelle tandis que Baudelaire lance un dernier «crénom» et que son ami Jules Verne fait rêver petits et grands. Or on s’en doute: ce Pertuiset n’est qu’un truchement, comme les oncles ou le tamanoir de Cendrars. C’est le «romanesque» incarné, selon la tradition bon enfant, qui permet à l’auteur, avec malice et sapience, de revivifier toute une époque par la magie coruscante de son verbe.
Chaque tête de chapitre ( Le goût de la chair de singe, Victor Hugo mange du rat, Chasser le nandou en Patagonie, Un rhinocéros en mal d’enfant, etc. ) parodie nos livres de jeunesse, et c’est dans le mouvement lancé de la sienne que le Rolin du Tigre en papier, mêlant ses souvenirs de rebelle à ceux de la Commune de Paris, notamment, ne cesse de se parler à lui-même en complicité avec le lecteur, pour mieux conjurer le temps qui nous émiette comme une vieille peau de lion.
Par-delà le pittoresque et la truculence, rappelant les joyeux grappillages d’un Vialatte, c’est enfin un bel hommage à la littérature et au grand art incompris des philistins que ce roman mêlant les amours de Manet et ceux de l’auteur, festin de chair et d’esprit.
Olivier Rolin, Un chasseur de lions, Seuil, collection Fiction & Cie, 234 p.

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