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Période 2016-2018 !

Publié le 29 septembre 2008 par Yannbourven
Les Ombres ont enfin décidé de s’incruster, de s’asseoir à ma table
Elles se sont évadées du jardin-tiroir pour se confronter à la dure réalité
Tristes trognes aux yeux crevés par le jour-angoisse, leurs dents ressemblent à de minuscules Vénus de Milo
Une Ombre-enfant me tend un poème-haine
Son visage est une toile sur laquelle est projeté le film de ma vie saccadée :
Violent retour en arrière, années quatre-vingt sans doute, chez moi, je cartonne les souvenirs (les miens sont exposés sur ce visage d'ange-mémento), ces ailleurs blancs où je me disais, petit, lorsque le nouveau calendrier déboulait, tiens, 1988, 1990, nous sommes déjà dans ce futur de comics froissés, gamin tragique perdu senteurs vieilles bagnoles enrouées copains trahis par leurs parents imbéciles qui se séparent alors il faut oublier courses vélos pentes trempées étés de trains colonies situations étranges éloignements merveilleux petites amies vieux collège perdu routes rarement enneigées j'irai me perdre tout au bout de cette ruelle villageoise entretenue par des sorcières criardes allons-y mes amis ! ces adultes sans visages nous poursuivent prenons nos cassettes et walk-man musique et nos premières bières de parc rennais chanter voler des miroirs ondulants des costumes de messe des kermesses hypocrites droit au changement d'air ! de l'air ! tentes camping penser à l'avenir s'évader dans les champs la force de mon rire dantesque saccage les maudites banlieues dortoirs où nous tentons de vivre sans histoire sans futur sans passé rien n'arrivera ici rien du tout vous entendez mes amis les gens ont peur de se lancer dans le vide tout est gelé le présent nous écrase attrapons nos sacs à dos et go ! regardons au loin la mer qui joue le morceau des fugueurs charismatiques au-dessus les lunes s'agitent nous préparent un festin anarchique et dans les terres au bord des étangs nous nous couchons près des saules mais un hibou complètement ivre me ulule à l'oreille debooouuuut sale gooooosse je me lève en pleine nuit paniqué je cherche de la lumière j'écrase les fougères je broie les genêts je détruis les cabanes des paysans-cimetières j'insulte la Bretagne qui stagne sous un climat océanique même température toujours la même douleur et l'ennui qui nous ramassera certainement à la petite cuiller chênes navrants moignons velus qui se confondent avec les clochers en forme de miradors à l'intérieur desquels de vieux délateurs vieille France campagnarde surveillent nos faits et gestes pas de jeunes veulent être tranquille bon diou pas un pet de travers ou bien ce sera une décharge de chevrotines qui nous enverra direct en enfer ! les parents s'affolent mais on les aime eux ne sont pas si vieux comme nous ils rient et rêvent nous sommes les mal élevés les fils d'ouvriers les insouciants qui plongent dans des lagons qui n'existent pas qui boivent qui lisent des livres qui partent en ville et assistent à des concerts de rock et de rap musclés et vive la le futur tiens ! une nuit un peu énervés nous irons taguer la vieille lande malade qui renâcle sans cesse puis direction la mer ouais et vive la côte tiens tournons la tête caressons et absorbons l'ouest l'ouest et l'infinie cruauté si le coeur vous en dit !
Le visage de l'enfant se crispe, le film s'accélère et stoppe plus de vingt-cinq ans plus tard :
Période 2016 – 2018 ! :
Je n'ai pas changé pas vieilli, je suis ce même gamin de douze ans qui fuguait, mais une guerre se profile horizon sec et sourd moteurs éteints journées interminables et polluées soifs horreurs cauchemars ou réalités d'exils de déserts de fusils chargés sous les nuages noirs abandons sacrifices explosions politiques les exploités se sont soulevés pour la énième fois mais là ils se sont fait littéralement exterminer, la répression orchestrée par une bourgeoisie devenue extrêmement bête fut sans limite sans pitié sans négociations les capitalistes furent plus déterminés que des Versaillais sous amphétamines – Et, fin de civilisation nouveau millénaire ultime tentative guerres inouïes mondiales quelques mois ont suffit destruction totale du système puis plus rien le calme absolu comme une apocalypse de chaque matin – Alors le spectacle de ces rivières de sang et de pétrole dans lesquelles l'on se noie lorsque l'on tente de rejoindre l'autre rive à la nage pour retrouver ses animaux domestiques chiens chats rats qui ne sont que de la nourriture qu'on a pas volée cette fois-ci et que l'on va donc s'empresser de cuire oh oui rivières d'ordures que l'on pourrait aussi traverser pour rejoindre sa gentille et douce famille estropiée qui s'amuse à éventrer des chevaux encore vivants sous ce soleil qui frappe les esprits et retourne les peaux à l'ombre des troncs les cendres les verrières les chemins au bord desquels le rire gras le discours nostalgique d'un vieillard aveugle qui veut rester à genoux le restant de sa vie et les toits des écoles effondrés sur les enfants qui récitaient les comptines du diable consolateur et le dédale froid de ruelles oranges où l'on se perd et où l'on meurt pour avoir tenté de mettre la main sur un morceau de pain rassis ou une dose d'héroïne bien méritée les plages de cendre où l'on médite affamé les pieds arrachés par un éclat d'obus et le dos constellés de morceaux de verre tachés ce petit crâne qui roule sur ce trottoir appartient à ton enfant que tu croyais en sécurité dans l'abri municipal le soleil ne se couchera plus cette fois les étangs lacs fleuves de cadavres gonflés ont débordé ont inondé les pavillons d'effroi les lotissements où il y a peu de temps encore l'on comptait les jours de routine-usine bourré de tocs sévères qui conduisaient parfois au suicide cette salle de cinéma a même été contaminée par une peste créée en labo les musées regorgent de pendus collaborateurs regarde sur cette place les statues recouvertes de lichens s'enchevêtrent pour former un cri toxique qui accompagnera les survivants jusqu'à l'orgasme final celui de l' Enfer Palpable – ennui marchandise exploitations peur de l'autre théories mélangées étouffement de la vraie poésie produisent les réelles les violentes guerres civiles !
Période 2016 - 2018 !
Le film s'arrête là, l'Ombre-enfant au visage d'ange-mémento s'en va, les Ombres- adultes se moquent de moi, boivent leurs verres d'un trait
Je dois me retirer dans ma chambre
Pour cracher discrètement des morceaux de mon passé

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