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Le chien (3)

Publié le 30 septembre 2008 par Zoridae
[Episode 1 - Episode 2]
Le chien (3)J'ai d'abord ouvert les yeux sans bouger et ils se sont fixés sur les chiffres clignotants du réveil sans parvenir à leur donner un sens. Les sensations de mon dernier rêve troublaient ma perception. Je me crus un instant dans notre appartement lyonnais mais l'absence de circulation, la densité du silence me ramena à nos vacances en altitude. J'imaginai la montagne, dans l'obscurité, sombre, impassible, épaisse et néanmoins grouillant d'une faune nocturne, et cette vision m'oppressa. Je me tournai doucement vers Adèle. Etait-elle éveillée ? Sa respiration demeurait calme tandis que dans l'appartement du dessus, le couple faisait tomber des chaises, se jetait contre les murs et chutait sur le sol avec des hurlements sauvages. J'étais incapable de dire si la voix que j'entendais étais celle d'une femme, d'un homme ou d'un animal, tant elle était gutturale et stridente à la fois. De temps en temps je distinguais des syllabes qui provoquaient des visions très précises.
J'ai posé une main sur le bras de ma femme. Elle a soupiré :
« Mais que font-ils ? a-t-elle soufflé en se frottant les yeux.
- Ils se croient peut-être seuls dans l'immeuble, ai-je suggéré. Sans savoir pourquoi j'avais envie de défendre nos voisins.
- Arrête ! Les enfants ont quand même fait du bruit ce soir ! Et puis nous nous sommes servis du barbecue sur le balcon…
- Ils étaient peut-être en promenade ? suggérai-je.
- Ouais. Et bien moi je vais mettre mes boules Quiès, a-t-elle annoncé d'un ton sec.
Elle semblait en colère. Au-dessus, un matelas grinçait modérément tandis que les cris s'étaient mués en gémissement alanguis. J'avais l'impression, en regardant Adèle, de contempler un être brisé. J'étais presque certain que si je lui parlais un peu fort, les morceaux s'éparpilleraient et que je ne la retrouverais plus. J'ai tapoté son dos, du bout des doigts. Agacée, elle a ôté une boule de mousse avec ostentation :
- Je m'étais rendormie, a-t-elle protesté.
- Ah bon ? Déjà ?
- Qu'est-ce que tu veux ?
- Non, rien, tu semblais en colère contre moi. Je voulais te demander si c'était le cas ?
- Mais non ! Qu'est-ce que tu vas chercher encore ?
- Je ne sais pas. Là tu es quand même énervée non ?
- Ben oui parce que tu m'a réveillée, ce n'est pas si difficile à comprendre, si ? »
Elle s'est éloignée de moi, sur le matelas. Couchée à plat ventre, elle a dissimulé son visage sous un oreiller. Au-dessus le silence n'était plus perturbé que par quelques « oui ! » à bout de souffle. Un matelas grinçait avec régularité. Je me suis souvenu de la façon dont, Adèle, lorsque nous étions de tous jeunes amoureux, balayait mon corps de ses cheveux après l'amour. Le sommeil s'est glissé dans la caresse que j'imaginais et j'ai cru sombrer dans la chevelure de ma femme. Aveuglé, éperdu, ému, j'avais l'impression de la retrouver, telle qu'elle était il y a sept ans. Sauf que dans ma gorge, l'angoisse serrait à m'étouffer.
(A suivre...)
Photo : f2images

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