Magazine Journal intime
Goodbye Emmanuelle
Publié le 23 octobre 2008 par CorckyElle avait quand même pris un sacré coup de vieux, Sylvia Kristel...
Ne viens pas m'accuser de blasphème, lecteur chéri, je suis déjà excommuniée mille fois, avec tous les boulets que se traîne mon karma.
Et puis ça m'emmerde, cette commémoration unanime et larmoyante, tous ces crétins avec la main sur le coeur célébrant le désintéressement, l'altruisme (gruîîîk!), le dévouement, le courage, l'honnêteté de la vieille nonne indigne, haaa, Soeur Emmanuelle, l'amie des pauvres, quand même, c'est tellement beau, c'est grand, ça fout le frisson, c'est Dieu qui nous rappelle qu'il faut multiplier les pains, et pas seulement dans la gueule, aime ton prochain comme toi-même, quelle putain d'harmonie!
Nicolas Sarkozy, trémolos dans la voix:
"Elle était une femme de foi aux convictions élevées, mais aussi une femme d'action, pour qui la charité passait par des actes concrets de solidarité et de fraternité à travers le monde."
D'ailleurs, notre bon Président ne fait sans doute que suivre son exemple en recevant coup sur coup les plus grands dictateurs de la planète (fraternité à travers le monde), en augmentant son salaire de 174% (solidarité, y'a pas de raison), ou en dispensant les plus aisés de financer le RSA (un acte concret de charité ).
François Fillon, sortant son mouchoir:
"Son bon sens, son énergie, sa capacité à engager sans détour les actions les plus utiles semblaient triompher du temps et ont mis les gouvernements et les peuples au défi de la générosité".
Un défi que le gouvernement de monsieur Fillon, comme tous ceux qui l'ont précédé, a su relever haut la main, puisqu'ils ont à peu près tous rayé le mot "générosité" de leur vocabulaire et surtout de leurs textes de lois.
Jacques Chirac, planquant sa bouteille de bière: "À tant de femmes, d'enfants, d'hommes dans la souffrance, la misère et la difficulté, elle aura su redonner espoir et dignité".
C'est sûr qu'avec tout ce que le Président Chirac a claqué en voyages d'agrément, frais de bouche et caisses noires diverses, on était assez loin de l'idée qu'on peut se faire de la dignité.
On attend encore la réaction de Christine Boutin, la Jeanne d'Arc française qui brandit la Bible à l'Assemblée Nationale, fervente catholique qui vient de se prendre une veste en essayant de désosser la loi SRU pour permettre aux communes qui n'aiment pas trop avoir de HLM...de ne pas en construire.
On aurait aussi adoré entendre l'homélie de la gauche caviar, mais jusqu'ici c'est un peu silence radio...remarque, ça fait un an et demi qu'on attend que la gauche s'exprime, on va pas leur demander de réciter deux Pater et un Avé, non plus.
Pendant ce temps-là, si tu le permets, je me faderai l'inhumation de Patrick, un ancien pensionnaire, trouvé mort sur une bouche de métro pendant que des centaines de connards enjambaient son cadavre. Sans doute trop pressés d'aller allumer leur téloche pour suivre, en direct de Notre-Dame et en présence de Sarkozy, la messe de requiem en hommage à Soeur Emmanuelle.
On le mettra dans une boîte en pin à trente euros et on le balancera dans un trou du carré des indigents.
Avec un peu de pot, je serai rentrée à temps pour la "Spéciale Soeur Emmanuelle" présentée par Poivre d'Arvor, Drucker et Foucault, avec Bigard et Cauet qui liront un extrait des Evangiles sur fond de pets bruyants, et une tripotée de people millionnaires qui verseront leur petite larme en nous rappelant que la solidarité avec les pauvres, c'est décidément essentiel.