Magazine Humeur

De la politique monétaire (onze)

Publié le 01 novembre 2008 par Saucrates

Réflexion soixante-et-onze (1er novembre 2008)
La crise financière et l'exemple de l'Islande

On peut s'offusquer du fait que la France et plus largement les états occidentaux rechignent à dépenser quelques centaines de millions d'euros pour des dépenses sociales, par exemple pour financer le RSA en France, pour équilibrer les comptes de la Sécurité Sociale, pour financer l'aide au développement des pays moins avancés, mais n'hésitent pas à dépenser des centaines de milliards d'euros (ou de dollars) pour sauver leurs banques et leur système financier. Il semble évidemment amoral de mettre en oeuvre autant de fonds publics pour organiser le sauvetage des instruments des plus puissants et de leurs capitaux, alors que le même effort ne sera jamais consentis au bénéfice des pauvres au sein même de notre démocratie. Il est amoral de sauvegarder de cette manière les banques sans leur imposer une réforme complète de leur fonctionnement, et notamment du mode de rémunération de leurs dirigeants et de leurs traders ... ceux par lesquels la crise semble être arrivée.
En même temps, il ne faut pas rêver ... Il serait idiot d'attendre de ténors et de partisans de la droite et du libéralisme économique, tels Nicolas Sarkozy, Georges W. Bush ou Angela Merkel, des mesures socialistes de limitations drastiques des rémunérations ou de nationalisation des établissements bancaires. Ce ne seront pas ces dirigeants qui imposeront de telles décisions contraires aux intérêts du capital et des puissants qu'ils représentent. Ils vont tenter de sauver le système parce que ceux qu'ils représentent y ont un intérêt, comme nous tous.
L'exemple islandais doit pour cette raison nous alerter. Ces plans de sauvegarde peuvent nous paraître amoraux. Mais la seule autre alternative, qui consisterait à ne rien faire, et à laisser, de manière absolument conforme à la doctrine libérale du laisser-faire, à l'idéologie du marché, supposé capable de s'autoréguler lui-même sans intervention extérieure ... Cette seule autre alternative conduirait vraisemblablement à l'effondrement du système bancaire de nos états développés, et par effet dominos, à l'effondrement de nos économies, comme en Islande.
L'Islande, où les trois principales banques ont dû être nationaliser suite à l'effondrement de son système financier et où l'ensemble des déposants sont pour l'instant virtuellement ruinés. L'Islande où la bourse de Reykjavik (ville dont Jules Verne faisait partir ces aventuriers du voyage au centre de la Terre, le professeur Otto Liddenbrok et son neveu) s'est également effondrée, ayant perdu en une journée près de 80% de sa valorisation.
L'Islande, état non membre de l'Union Européenne, pour laquelle les estimations du coût total de la crise bancaire pour le pays pourrait atteindre 1.100 milliards de couronnes islandaises soit 7,3 milliards d'euros, soit 85% du PIB national. L'Islande qui est aujourd'hui obligée de demander l'aide financière du Fonds monétaire international, qui devrait s'engager à hauteur de deux milliards de dollars (1,6 milliard d'euros) et de l'Union Européenne, alors qu'elle aurait besoin de quatre milliards de dollars supplémentaires pour stabiliser son économie
D'une certaine manière, pour la France, l'Allemagne, le Royaume-Uni ou les Etats-Unis, il vaut mieux sauvegarder de manière anticipée leurs systèmes bancaires et financiers, même au prix d'une remise en cause de leurs dogmes néo-libéraux, et au prix d'un plan d'aide représentant quelques pourcents de leur PIB, que d'attendre l'effondrement complet de leur système financier et l'arrêt de leur économie. Evidemment, il demeure cette question lancinante : les mêmes moyens seraient-ils mis en oeuvre par nos gouvernements si les plus puissants et les plus riches dans nos économies n'étaient pas concernés par cette débacle économique et financière ? Nous n'aurons vraisemblablement jamais la réponse à ce genre de questions. Même si nous en avons un début de réponse dans l'absence de toute réaction analogue à l'époque de l'effondrement de la bulle des valeurs internet et des bourses en 2001 ... Les bourses mondiales s'étaient effondrées de la même manière sans aucune intervention des gouvernements, peut-être parce que les puissants s'étaient retirés à temps des valeurs les plus spéculatives et les plus sur-valorisées.
Saucratès
Mes précédents écrits sur la Monnaie :
0. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2006/12/19/une-histoire-de-l-€uro.html
1. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2006/12/09/segolene-royal-et-la-banque-centrale-europeenne.html
2. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2006/12/17/de-la-politique-monetaire-deux.html
3. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2007/01/19/reponse-a-decembre-sur-les-banques.html
4. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2007/03/21/de-la-politique-monétaire-trois.html
5. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2007/09/21/de-la-politique-monetaire-quatre.html
6. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2007/11/05/de-la-politique-monetaire-six.html
7. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2008/02/05/de-la-politique-monetaire-sept.html
8. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2008/05/19/de-la-politique-monetaire-huit.html
9. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2008/08/14/de-la-politique-monetaire-neuf.html
10. http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2008/10/04/de-la-politique-monetaire-dix.html

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