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Sujets de société (deux)

Publié le 10 novembre 2008 par Saucrates

Réflexion huit (10 novembre 2008)
De la réhabilitation des fusillés de la première guerre mondiale ...

Demain, nous serons le 11 novembre 2008 ... quatre-vingt dix ans après la fin de la première guerre mondiale ... la fin de ce qui est demeuré la sale guerre ou la pire boucherie de tous les temps ...
De cette guerre, il est une histoire qui est peut-être partiellement occultée ou oubliée ... L'histoire de tous ces combattants, qui pour une raison ou une autre, parce qu'ils refusèrent de marcher vers la boucherie ou parce qu'ils se posèrent trop de questions sur cette guerre et sur le nationalisme aveugle qui l'expliquait, dans la droite file de Jean Jaurès, dont on ignore aujourd'hui qu'elle eut été sa position s'il n'avait pas été assassiné ... combattants qui fûrent fusillés pour l'honneur de la patrie, pour servir d'exemple au reste des combattants français ... un choix entre l'honneur dans la mort ou le déshonneur dans la mort ...
En 1998, Lionel Jospin, alors premier ministre, avait souhaité que les soldats "fusillés pour l'exemple (...), victimes d'une discipline dont la rigueur n'avait d'égale que la dureté des combats (...), réintègrent aujourd'hui notre mémoire collective nationale" ... sous les critiques du secrétaire général du RPR de l'époque, Nicolas Sarkozy.
Il peut paraître peut-être vain de vouloir réhabiliter des personnes mortes depuis plus de quatre-vingt-dix ans. Peut-il demeurer, plus de quatre-vingt-dix ans après les faits, des conséquences de ces actes pour leurs descendants ? Peut-il demeurer une honte, une tache sur la mémoire de ses familles ? Je pense cependant surtout aux enfants de ces soldats fusillés, à leur épouse, à leurs parents, marqués dans cette France de la première moitié du vingtième siècle par un archaïsme que l'on a oublié, et qui eurent à souffrir à la fois de la perte de leur père, de leur époux ou de leur fils, associé à la honte de sa mort considérée comme ignomineuse.
Alors, oui, pour ces hommes qui refusèrent la boucherie, pour leurs familles qui souffrirent ensuite de la honte de cette mort ignomineuse, je crois qu'il faut leur accorder réparation et les réhabiliter, en souvenir de ces hommes qui ne furent pas moins courageux que les autres, et de leurs descendants auxquels on fit payer au centuple la faute de leur père, fils, époux ...
Car ces hommes ne furent pas des traitres à leur nation. Simplement, pour la majorité, ils furent victimes d'une discipline archaïque de l'armée française de cette époque, d'une armée où un état-major envoya des millions de jeunes paysans français à la boucherie, pour gagner quelques mètres carrés de terrain ... Une époque où les soldats servant de chair à canon étaient majoritairement des jeunes paysans illettrés ou de jeunes ouvriers pauvres, tandis que leurs supérieurs, officiers, étaient de jeunes issus de la petite bourgeoisie ... Une époque où des officiers pouvaient envoyer des milliers de soldats à la mort sans que personne ne s'en offusque. Une époque où la moindre remise en cause de l'autorité de ces officiers par ces soldats paysans conduisaient au pelleton d'exécution. Une époque où l'ignominie du pelleton d'exécution servait d'exemple à une armée paysanne prête à se révolter contre des officiers incompétents et aveugles à la misère de ses hommes et à la mort qui les attendaient ...
Maintenant que le dernier poilu survivant est mort, il serait bon de faire le procès de ses stratèges militaires qui envoyèrent à la mort tant de nos aieux. Car on ne peut à la fois cautionner de tels pelletons d'exécution érigés en mesure disciplinaire pour des soldats dont la seule issue était la mort, et ce reconnaître du siècle des lumières et des droits de l'homme.
Aujourd'hui où cette méthode de faire la guerre est dépassée, puisque le moindre décès d'un soldat français dans une opération militaire entraîne un deuil national, où la sécurité des soldats et des civils est devenue une norme militaire, où on ne pourrait sciemment envoyer à une mort certaine des millions de soldats sans en répondre devant une enquête parlementaire, la France doit condamner moralement l'horreur de cette guerre et de son coût humain, et réhabiliter ceux qui en furent les victimes, sur le champ de bataille ou devant les pelletons d'exécution de l'histoire.
Saucratès
Précédents écrits sur le sujet
http://saucrates.blogs.nouvelobs.com/archive/2007/12/12/sujets-de-societe.html

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