Magazine Humeur
De la politique monétaire (un)
Publié le 14 novembre 2008 par SaucratesRéflexion huit (17 décembre 2006)
De la croissance économique
Les opposants à la Banque centrale européenne souhaiteraient réformer ses statuts, voire modifier le traité de Maastricht, pour adjoindre aux objectifs poursuivis par le SEBC (Système européen de banques centrales), à savoir essentiellement le contrôle de l'inflation, d'autres objectifs concernant la maximisation de la croissance économique ou du plein emploi (ou la minimisation du taux de chômage). En cela, ces opposants disent notamment prendre modèle sur la FED (la Réserve fédérale américaine) dont les objectifs sont l'inflation et la croissance économique.
Or, une politique monétaire ne peut poursuivre qu'un seul objectif avec un seul outil (les taux d'intérêt), ou bien des objectifs liés. L'inflation et le rythme de la croissance économique sont justement deux objectifs liés (sans commutativité - l'inflation dépend du rythme de croissance de l'économie et non le contraire), ce que ne sont pas le niveau d'emploi ou du chômage et l'inflation (la courbe de Philipps). De manière plus claire, et l'article de Challenges du 15 décembre 2006 le signale bien, les décisions de hausse ou de baisse des taux directeurs arrêtées par la BCE ne se fondent pas uniquement sur le niveau anticipé ou observé de l'inflation mais tiennent compte également du rythme de la croissance économique au sein de la zone €uro, tout comme l'effectue la FED aux Etats-Unis. Il serait en effet aberrant de renchérir les taux directeurs de la BCE et par conséquent le coût in fine du crédit si la croissance économique de la zone €uro s'affaiblissait. En effet, les tensions inflationnistes auraient mécaniquement tendance à disparaître en cas de ralentissement de l'activité. Dans un tel cas hypothétique, la BCE aurait alors tendance à rebaisser ses taux directeurs, comme la FED l'a régulièrement fait par le passé.
La politique d'une banque centrale consiste ainsi à ralentir régulièrement l'activité économique en remontant ses taux directeurs, jusqu'à ce qu'il devienne nécessaire de les rebaisser pour relancer le rythme de croissance de l'économie. L'optimum serait toutefois que les taux d'intérêt puissent se maintenir à un niveau adéquat avec une croissance stable et non excessivement inflationniste.
Mais quelle relation y a-t-il entre les taux d'intérêt et la croissance économique ? Les avis divergent. Normalement, il y a une liaison mécanique entre ces deux notions. Le niveau des taux d'intérêt du marché détermine la rentabilité minimale que doivent atteindre les investissements. Plus les taux d'intérêt seront élevés et plus cette rentabilité devra être également forte. Mais l'exemple nippon des années 1990 vient relativiser cette belle relation mécanique. Le niveau des taux ne suffit uniquement. D'autres éléments doivent rentrer en ligne de compte, notamment pour expliquer que le Japon soit demeuré plus de dix ans en déflation et en récession économique alors que la banque centrale du Japon appliquait une politique de taux zéro pour aider les grandes banques nipponnes à faire face à leur portefeuille de créances douteuses. Le Brésil peut ainsi avoir un rythme de croissance de son économie proche de 5% avec des taux de refinancement proche de 14% et le Japon une croissance encore faible avec des taux de refinancement pratiquement à zéro.
Alors, si le niveau des taux d'intérêt n'est pas déterminant pour la croissance économique (mais uniquement pour l'inflation, c'est-à-dire pour le potentiel de croissance de longue période), pour quelle raison les hommes ou femmes politiques français(es) y accordent-ils une telle importance polémique ?