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De la politique monétaire (5)

Publié le 17 novembre 2008 par Saucrates

En écoutant le discours de Nicolas Sarkozy, Président de la République Française, ce jeudi 30 septembre 2007 au cours d'une émission de télévision, notamment la partie traitant de la politique monétaire conduite par la Banque Centrale Européenne, et ces critiques au sujet de la vigueur de l'euro et du niveau des taux d'intérêt en France, je me suis rendu compte de la profonde incompréhension qui existe en France entre les français et leur monnaie (et au delà avec les autorités monétaires).
Un certain nombre d'idées économiques ont ainsi été avancées au cours de cet entretien par le Président Sarkozy, idées qui ne sont cependant pas évidentes.
1) La première d'entre elles concerne le rôle qui peut être dévolu à la monnaie en matière de relance économique. Selon lui, tous les pays, à l'exception de ceux de la zone euro (où ce pouvoir serait kidnappé à l'entendre par la BCE), utilise leur monnaie comme moyen d'avantager leur économie et leurs entreprises. Le problème d'une telle assertion est fondamental en économie. C'est le problème de la neutralité monétaire. A long terme et à court terme, la monnaie a-t-elle une action sur l'économie réelle. Ce point est loin d'être acquis. (cf. réflexion n°23)
2) Le deuxième problème de cette assertion, c'est qu'il pose l'hypothèse que l'ensemble des autres pays dans le monde utilise l'arme monétaire pour aider leurs économies. A l'exception de la Chine où cette hypothèse est vraisemblable, pour les autres pays (essentiellement les Etats-Unis et le Japon), il est plus probable que la dérive de leur monnaie s'explique essentiellement par les anticipations des intervenants sur les marchés financiers, plutôt que par une politique volontariste de dévaluation du dollar ou du yen. (cf. réflexion n°24)
3) Le troisième problème concerne l'importance accordée à la sous-valorisation d'une monnaie. A écouter Nicolas Sarkozy, la Banque Centrale Européenne devrait mener une politique monétaire conduisant à sous-valoriser la valeur extérieure de l'euro, sans que l'on sache quelle serait la bonne valeur à retenir ... 1 euro pour 1 dollar, 1 euro pour 0,8 dollar ... ou peut-être 1 euro pour 0,01 dollar ? Y a-t-il une bonne valeur pour une monnaie ? Quel discours serait tenu par les politiques français si, avec un pétrole à 80 dollars le baril, celui-ci côtait 100 euros et non pas comme aujourd'hui 57 euros ? Et si les intrants importés en zone euro, telles les matières premières, les plastiques ou les métaux, valaient deux fois plus chers. Les entreprises françaises ou allemandes seraient-elles véritablement plus compétitives dans cette situation ? Il ne faut pas oublier que les américains ne font pas attention à la valeur externe de leur monnaie, parce que, du fait du caractère de monnaie de réserve dont bénéficie le dollar, la majorité des prix mondiaux sont exprimés dans leur monnaie nationale, ce qui atténue une bonne partie des inconvénients dûs à la faiblesse d'une monnaie. Ainsi, un marché de vente d'avions de guerre par Dassault au Maroc est libellé en dollars et non en euros. (cf. réflexions n°25 et n°26)
4) Peut-on enfin estimer à juste droit, comme Nicolas Sarkozy le laisse entendre, que les taux actuellement pratiqués par les établissements bancaires sont exagérément élevés ? Cette position présente un risque phénoménal. Actuellement, l'ensemble des emprunteurs européens appartenant à la zone euro peuvent bénéficier de conditions de taux comprises entre 4% et 6%, pour des durées de quelques jours à vingt-cinq ou trente ans, quelle que soit leur taille, ménages ou multinationales bancaires. Il y a en fait très peu d'écart entre les taux pratiqués pour un prêt immobilier à 25 ans octroyés à des ménages (aux revenus moyens) et les taux dont bénéficient les meilleurs signatures (état français, banques, multinationales). Ces conditions sont historiquement particulièrement faibles. Ce qui n'est pas expliqué par Nicolas Sarkozy, c'est que dans un pays libéral comme les Etats-Unis, le taux de l'usure ne se situe comme en France vers 6% comme actuellement pour des prêts immobiliers, mais à plus de 30%. Lorsque Nicolas Sarkozy en appelle à un abaissement des taux, milite-t-il véritablement pour une baisse des taux pour tous, même pour les emprunteurs les moins riches, ou s'intéresse-t-il essentiellement aux taux proposés pour les plus riches de ses concitoyens et pour les plus grands groupes ? (cf. réflexions n°27 et n°28)
Selon mon opinion, le sujet de la politique monétaire est utilisée par certains hommes ou femmes politiques de notre pays dans un but électoraliste, pour complaire à une grosse majorité de la population qui entretient une relation conflictuelle avec l'argent et les établissements bancaires. Certains tiennent ce discours populiste par conviction (nationaliste notamment), mais ce n'est pas le cas de Nicolas Sarkozy. Les plus intelligents d'entre eux agitent ce débat pour être simplement élus, et pour dévier les réflexions de leurs électeurs vers des problèmes sans danger pour l'élite financière de notre pays. Répéter que les baisses de pouvoir d'achat des ménages s'expliquent par la hausse des taux, la vigueur de l'euro et par la mise en place de l'euro, permet d'éviter de parler de hausse des salaires, du SMIC et des traitements des fonctionnements, et des marges et des bénéfices des grands groupes français. Le "c'est la faute à l'euro" est commode !
Et tant pis si ce genre de comportement pyromane accentue le fossé existant entre les français et l'Europe ... On laisse imaginer que l'on va combler ce fossé tout seul en parlant "vrai".
Cela ne veut toutefois pas dire qu'il n'y a pas de réflexions à avoir sur la politique monétaire, sur les préceptes ou présupposés du monétarisme, sur le cours de change de l'euro ou bien sur le niveau des taux. Mais cela signifie qu'il faut d'abord avec une discussion dépassionnée sur ce sujet, sans idées arrêtées, et qu'il faut pouvoir se fonder sur des hypothèses monétaires vérifiées, vérifiables et quantifiables. Et qu'il ne faut pas dissocier la monnaie des autres problèmes sociaux, économiques ou réglementaires. Toutes les difficultés industrielles et commerciales françaises ne s'expliquent peut-être pas uniquement par la valeur extérieure de l'euro ? (cf. réflexion n°29)


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