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105- La bouture

Publié le 25 novembre 2008 par Marinatorre
- Comment ? Stoupida !!! Tu n’as pas pris son numéro de téléphone ? Pas la moindre adresse mail ? Enfin Clara, ta chute t’eût-elle estropié la tête, tu n’en n’es pas moins disculpée pour ton inconséquence !
Clara, posée sur un canapé ayant déjà, en quelques jours, pris la forme de son corps gracile, racontait son petit voyage de la veille à Mireille, détails métropolitains compris.
- Enfin, Mireille, je ne le connais pas ce type, il m’a juste aidée dans le métro. Après tout il m’a fait tomber, c’était la moindre des choses. Le hasard a fait que ce monsieur est médecin et moi patiente. Nous allions au même endroit, il m’a juste conduite vers le bon service !
- Oui, oui, le hasard, le hasard… Il a bon dos ce teigneux… Concernant votre rencontre dans le métro, c’est lui le coupable, il n’y a aucun doute là-dessus. Mais, ma bichette, pour ce qui es du cas de la collision… je le déclare parfaitement innocent.
- Oui, bien sûr, David, me serait tombée dessus délibérément… Mireille arrête la fumette.
- Ah non alors, j’arrêterai pas c’est trop bon. Tu peux en vouloir aux séries à la télé, mais pas à mes Bibulus ! De toutes façons, là n’est pas la question. "David"? Tel est donc l’intitulé du bousculeur ! Comment connais-tu son prénom ?
Clara, cramoisie, répondit avoir tout simplement vu son nom sur le badge du joli docteur. En retour, un regard particulièrement significatif suffit à rendre ses joues plus étincelantes que les néons de la boutique en face. Nul besoin d’appuyer une telle œillade par un agaçant : « Ah, ah, je le savais ! Tu ne peux rien nier ! Tu as noté son nom, tu l’as bien observé ! Ça ne te déplairait pas qu’il te rentre dedans au sens figuré ! T’es peut-être pas seulement tombée par terre…. ».
Cela faisait moins d’une semaine que les deux voisines se connaissaient, et déjà, les mots étaient parfois de trop entre elles. Pourtant, elles ne se privaient pas d’en échanger, enfin, c’était surtout Mireille qui parlait.
- Bon. Il te sied, c’est acquis. Vois-tu, fillette, la réciproque est sans doute vraie et vérifiable. D’une part, il te bouscule, peut-être inconsciemment, soit, mais alors son acte manqué, il ne l’a pas raté. Et la raison est simple : tu es très belle. (Soupir sur le canapé). Il te voit dans le métro : tu lui plais. (Grognement). Tu lui fais le coup de l’aimant : vous vous gamellez. (Mugissement). Par ailleurs, il ne te conduit pas seulement à travers l’hôpital par pure politesse, il te pose délicatement chez le meilleur médecin susceptible de te rendre au plus vite tes échasses de gazelle. L’on agit ainsi si, et seulement si, l’on s’amourache. Bilan : vous devez vous revoir. Or tu n’as pas pris son numéro. Donc, tu es une idiote. CQFD.
Clara, intérieurement, avait déjà suivi cette logique imparable, jusqu’à en rechercher numéro de téléphone dudit chirurgien. Néanmoins, pour la forme, il lui fallut protester et ardemment, pester contre cette psychologie mathématique de comptoir.
- Ma petite, écoute-moi bien dans le blanc des yeux, j’ai au moins trente automnes de plus que toi, je suis peut-être une vieille pucelle, mais en matière de coeur, j’ai mes références, et elles ne sont pas des moindres. En bouquins, en films ou en chansons, les sentiments, moi, je les collectionne. Ton petit oubli, et nous ne nous appesantirons pas plus avant sur ce méfait de ta mémoire, est tout à fait réparable, puisque par chance, et non pas par hasard, tu a eu la présence d’esprit de noter son nom ! Maintenant tu vas prospecter sur l’Internet. saintlouis.com, tu tapes. Enfin, tu sais mieux que moins comment ça fonctionne.
Et elle retourna à ses boutures, bien droite, plantée devant un énorme placard où des spots de lumière froide couvaient tendrement plusieurs dizaines de plants de cannabis.
- Mais oui, mes poupougnettes, on est bientôt fleuries, mais ouii !! Comme la petite Clara quand elle aura retrouvé son homme. Eh bien alors ma jolie tu ne cours pas devant ton ordinateur ? Ah non, bien sûr… tu l’as déjà fait ! Brave petite… pas idiote, non pas idiote du tout. Mais tu ne me le donneras pas, n’est-ce pas, son patronyme ? Tu ne lui téléphoneras même pas. Trop peur. C’est dangereux. Tu ne feras rien. Tu y penseras, mais tu oublieras. Et tu continueras ton train-train… Au fait, tu as retrouvé Pouchkine ?


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