Previously on Desperate Journalist
Nous avions vu que le journalisme est infecté par un virus sexuellement ou amicalement transmissible : le piston. Mais une fois que l’on a déprimé, pleuré, hurlé, fait un communiqué pour dire qu’on arrêtait sa jeune carrière pour le démentir 5 minutes plus tard, qu’est-ce qu’on fait ? On rentre dans le jeu. Pourquoi ? Parce que même si c’est un système dégueulasse, on est bien obligé de faire avec, si on veut nous aussi, devenir journaliste. Du coup, on réunit tous ses calepins since 1802, ainsi que ceux des parents et amis, et on les épluche un à un. Pour les plus chanceux, il suffit qu’ils décrochent leur téléphone, car dans le cercle proche, voire intime, il y a déjà une personne bien placée qui va tout déclencher. Pour d’autres en revanche (genre moi), c’est plus du prospecting primaire, c’est une véritable investigation à la Perdu de Recherche qui se met en place histoire de voir s’il n’aurait pas, par hasard, quelqu’un au 7Oème degré qui serait impliqué dans le business qui m’occupe. Le voisin de palier de 1984 de qui on a porté les courses un jour de pluie, la cousine qu’on n’a plus revue depuis le bac à sable, le chauffeur du bus qu’on prend tous les matins… bref, tout y passe. Pour ma part, après 6 mois d’enquête, les résultats furent : nada, niet, que dalle, waloo (si quelqu’un connaît comment on le dit en persan histoire de compléter ma collection – Merci bien). Un truc de fou… A croire qu’on était maudits dans la famille. Dans notre « stock », on trouve de tout, mais alors de tout. Architectes, comptables, bouchers, commerces, kinés, avocats… Un vrai petit monde. Enfin… un monde dans lequel les médias n’existent pas, hein.
Du coup, une seule solution s’offrait à moi : me pistonner moi-même. J’ai donc commencé à me créer mon propre réseau. Tous mes contacts stages, et chaque pige décrochée, j’ai fait une tentative de sympathisation avec les rédacteurs en chef et journalistes dont j’ai croisé la route. Seulement voilà, après la découverte de l’existence du piston, voici venu l’apprentissage de son fonctionnement. Et là, c’est encore plus compliqué que ce que je croyais, car je me suis rendue compte qu’en plus de n’avoir pas le moindre contact familial, je suis de par ma naissance dans la catégorie de la population la moins pistonnable. Cela tient surtout à mon âge et mon genre : femme.
Un homme pistonne aisément un autre homme. Pote, ami, connaissance, connaissance d’une lointaine connaissance… Pas de souci. J’ai souvent été témoin de ce genre de solidarité masculine qui fonctionne à merveille. Ils n’hésitent pas à se recommander entre eux, se donner des « chances », des coups de mains, se présenter à telle ou telle personne. En revanche, le rapport d’homme à femme, c’est autre chose. Un homme ne pistonnera pas une femme gratuitement, à moins qu’elle soit sa sœur, son épouse, ou bien évidemment, et c’est là que le bas blesse, qu’il y ait une contrepartie. Tout le monde sait de quelle contrepartie il s’agit. Encore une fois, j’ai rarement vu un milieu où la promotion canapé était plus répandue. Enfin, ceci concerne davantage la TV et la radio que la presse, mais tout de même… Etant dans la presse écrite, j’ai eu encore récemment un exemple typique de ce type de pressions. Pour un hebdo, mes idées de papiers étaient très intéressantes jusqu’à ce que je doive éconduire poliment le rédacteur en chef, qui pensait profiter de son statut. Etrangement, depuis cet « incident », mes papiers ne sont plus intéressants. Et un piston de moins, un !
Après d’autres anecdotes de ce type, personnelles ou de collègues filles dans le milieu, j’ai finalement décidé de me tourner vers des femmes. Je me suis dit que là au moins, il n’y aurait pas ce rapport de force. Sauf que là encore, une femme ne pistonne pas une autre femme, qui n’est pas sa sœur, sa mère ou sa fille. Et encore, même dans ces cas là, ce n’est pas sûr.
Eh oui, il y a quelque chose que les féministes ne nous disent pas : c’est qu’il n’y a pas plus misogyne qu’une femme. Ca se la joue solidaires dans les déclarations, mais dans les faits, dès que l’ombre d’une silhouette féminine se profile à l’horizon, la première chose qu’elle pense, c’est « C’est quoi cette pouf qui va me piquer ma place ? ». J’en passe et des pires.
Conclusion, ni les hommes, ni les femmes ne peuvent m’aider… Il ne me reste plus qu’à me tourner vers les animaux. Hakunamatata.