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Fulgurances poétiques

Publié le 15 décembre 2008 par Jlk

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  L’art suraigu de Pascal Janovjak
C’est avec une prose inouïe que se pointe Pascal Janovjak dans son premier recueil intitulé Coléoptères, une première soixantaine de morceaux, suivis d’une quinzaine d’Elytres. J’entends par prose inouïe: jamais entendue, ni vue, ni lue même si elle rappelle ces prosateurs de l’inquiétante, cosmicomique étrangeté que furent un Henri Michaux ou un Alberto Savinio, pas loin non plus des conteurs minimalistes à la Brautigan ou Edoardo Berti, sans qu’il s’agisse ici d’influences manifestes, plutôt de parenté
Par exemple je cite intégralement Le Train : « Gare. Le train s’en file, porté par les voix des morts. Traverse la très-ancienne plaine avec à bord un caillou noir qui vibre avec le grondement des machines, résonne avec les plaintes des profondeurs.
« Les boiseries laquées du compartiment reflètent les lueurs des lampes, je n’aurais jamais dû accompagner R. dans sa fuite, un noir caillou dans mes doigts, un verre de vin tremblant sur la table.
« De l’horizon déboule le train, passe devant une ancienne cahute de bois et se perd dans la nuit d’en face, disparaît des yeux du chat qui traverse doucement la voie chaude ».
C’est étincelant , plastique en diable, tantôt plutôt sculpté dans la matière verbe et tantôt plutôt flûté les yeux fermés mélancoliquement murmuré ou silencieusement sifflé comme siffle silencieuse la salamandre chauffant au feu doux.
Il y a là-dedans des merveilles, comme l’évocation des cheveux follets d'Emma dans L’orage flaubertien, et j’aime le tout bref Week-end, après le restaurant : « Elle est ressortie nettoyer la vitre arrière, c’est gentil, l’antibuée ne marche plus.
« Et à travers le voile translucide du givre qu’elle gratte, je regarde sa silhouette ondulante se découvrir peu à peu – elle trouve toujours de nouveaux moyens de me séduire »...
Ce sont des « fusées » poétiques qui tiennent du conte-goutte ou de l’haïku au premier regard, mais qui ont un pouvoir de « diffusion » dès qu’à l’image des fleurs de papier proustiennes fameuses on les immerge pour qu’elle s’ouvrent toutes grandes comme les pages d'un possible roman esquissé.
J’y reviendrai. Dans l’immédiat, je note que ce petit livre très remarquable paraît à l’occasion des quinze ans des éditions Samizdat, à Genève, et qu’il est l’œuvre d’un auteur de 32 ans né à Bâle et qui vit aujourd’hui à Ramallah.
On peut vivre à Ramallah et écrire aujourd’hui ceci, sous le titre de La Maison :
« Tu te rappelles ces os que nous avons trouvés dans la forêt Tu disais que c’était un animal, moi j’essayais de te persuader du contraire, jusqu’à ce qu’affolée tu t’enfuies en pleurant. Ensuite tu racontais tout à Maman et j’étais privé de dessert.
« Je suis retourné voir la maison. Il n’en reste plus grand-chose et la mauvaise herbe a tout recouvert ».

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Pascal Janovjak. Coléoptères. Editions Samizdat, 127p. Genève, 2007.

Pascal nous signale que le poète Jalel El-Gharbi a commenté ces jours son livre sur son blog, Un site de poésie et de lumière intelligente, d'un passeur généreux, à recommander absolument: http://jalelelgharbipoesie.blogspot.com/


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