Magazine Nouvelles

7 paroles de blogueurs (9)

Publié le 17 janvier 2009 par Zoridae
[Tous les dimanches (à peu près) je cite 7 paroles de blogueurs qui m'ont plu, touchée, emballée, inquiétée, interrogée...]
Il fait nuit depuis longtemps lorsque nous sommes reçus par la jeune urgentiste. Ambiance calme, un concerto de Vivaldi en sourdine, elle inscrit sur son dossier nom, âge, adresse, puis s'enfonce dans son fauteuil et demande ce qui nous amène. G. attend que je parle. Comme depuis qu'il est né c'est par mes paroles que sont dites les souffrances, les angoisses, les peurs.
Il se tourne très légèrement vers moi, il attend, alors je parle.
« Je… Je n’ai jamais vu ça », murmura le médecin. Devant l’air exaspéré de son interlocuteur, il s’empressa de saisir un stylo pour noter sa perplexité en majuscules sur une feuille de papier. Son visage reflétait un mélange de stupéfaction, de fascination et de dégoût. Cependant, il continuait à ausculter son patient, cherchant un indice dans sa gorge et dans sa tension. Après avoir examiné une dernière fois ses oreilles monstrueuses, il recula, comme s’il craignait d’être contaminé à son tour par cette aberration physique.
J’ai commencé par un mensonge. Il m’a dit:
Oh, moi ce que j’aime, personne n’aime.
Je l’ai regardé, avec ses beaux yeux ses cheveux longs balayés par le vent, sa stature d’homme bien fait, et j’ai pensé que non, ce devait être impossible.
Ah bon, c’est quoi?
Le Jazz.
C’est sûr, cette musique que j’entendais parfois sur les ondes le matin en allant à l’école, cette musique discordante, impossible à chantonner, bien trop irrégulière, non, je n’aimais pas, mais pas du tout.
Oh, mais j’adore le Jazz!
Je me lève ce matin. J‘ouvre les rideaux, prends mes cachets, donne à manger aux poissons (j‘ai oublié hier soir), et je déjeune, comme tous les matins. Je pense à ce que j’ai à faire. Il faut que je mette un pull en machine, que je fasse un chèque et que j’aille le poster. Il faut aussi que j’aille à la pharmacie. Il me reste seulement deux cachets d’antidépresseur. Il faut aussi que je nettoie l’aquarium, comme tous les mercredis. Je suis angoissé. Je me dis que c’est trop.
Vous l’avez peut-être remarqué, je ris avec beaucoup de conviction. C’est pour dissimuler que je pleure avec le même enthousiasme, c’est pour apprendre à vivre avec le tragique qui ne cesse d’être là. J’ai quand même fini par comprendre que cette sensibilité qui a causé bien souvent mon malheur dans sa collusion avec le ridicule, cette sensibilité était aussi ma plus grande richesse.
Tout avait commencé par un commentaire laissé sur son blog. Le commentaire était gentil et intéressant, elle avait cliqué sur le lien laissé. Une page s'était ouverte. Elle était claire, esthétiquement parfaite et les billets postés y étaient plutôt bien écrits, très bien écrits même, ce qui n'est pas si courant sur la blogosphère. Ce blog tenu par un homme contait sur un ton assez mélancolique ce qu'elle ressentait comme la fin d'une histoire d'amour. Elle laissa un commentaire à son tour.

Jeunes filles
qui me lisez, écoutez bien ce conseil : gardez-vous de vous moquer des jeunes garçons ! Gardez-vous de les juger communs, vulgaires, sales, inférieurs ou minables, et surtout de le leur faire savoir ! Oh oui, car c'est très pernicieux, ces choses-là. Si vous faites honte à un garçon, vous brisez son estime de soi. C'est très douloureux. Et en même temps, vous vous posez comme la norme supérieure de cette estime. De ce fait, il pensera sans cesse à vous. Il s'attachera à vous, voire même, avec un peu de malchance, pour toute la vie. Il n'aura de cesse d'avoir reconquis son estime, c'est-à-dire la vôtre. Non, vraiment, mesdemoiselles, si vous vous moquez d'un garçon, sachez-le, il va falloir assumer. C'est-à-dire, ensuite, au choix, l'épouser ou le tuer.
Illustration : Ray Caesar

Retour à La Une de Logo Paperblog

Magazines