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Racaille malgré elle

Publié le 21 janvier 2009 par Dalyna

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Quand on grandit en banlieue, il y a un certain esprit qui nous poursuit toute notre vie. Que l’on finisse par déménager, ou évoluer dans un univers totalement différent, il y a toujours ce caractère que l’on garde au fond de soi, et qui ressurgit toujours à un moment ou à un autre, tel l’Incroyable Hulk.

Quand on a vécu en cité, ou dans les quartiers comme on les appelle aujourd’hui, on y apprend tout un art de vivre. C’est une « certaine idée de la cité », dirait De Gaulle. Si la plupart des gens résume ce mode de vie au verlan, le langage n’est en réalité qu’un détail. Ce qui nous distingue, c’est plutôt une attitude, et surtout un franc-parler. En cité, la diplomatie, connais pas. On vit en autarcie et, comme dans tout microcosme, c’est la loi du plus fort qui règne. Il faut savoir se défendre et cela passe d’abord par les mots. Les mecs jouent aux durs et les filles… aux dures. Les mots sont une forme de puissance sur l’autre. C’est celui qui sort la formule la plus fracassante, la vanne la plus forte, qui a raison. En cité, on a le sang chaud et on s’énerve vite. Sans doute est-ce le symptôme d’un mal-être que l’on n’arrive pas à exprimer… Et pour cause, on ne dispose pas d’éléments de comparaison. On a mal parfois, mais on ne saurait vraiment dire pourquoi.

En grandissant, quand on arrive à s’extirper de cet univers, on finit par se défaire de ces mauvais reflexes. On s’aère, on s’apaise, on rencontre d’autres personnes, issues de différents milieux et cela nous ouvre enfin à la France, la vraie. Parce qu’il faut savoir que lorsque l’on vit en cité, on n’a pas conscience d’être en France, ou alors disons que nous en avons une vision autre. Quand on vit en cité, on croît que Rachid est un prénom du calendrier, et que Fatimatou est le prénom féminin le plus répandu du pays. En regardant « Premiers Baisers » le soir à la TV, on a presque le sentiment de capter une chaîne étrangère tant cela n’a rien à voir avec notre quotidien. Nous, on n’a pas de garage bleu pastel où on répète du rock avec des mecs chevelus. Nous évoluons donc dans cette ambivalence, jusqu’au jour où l’on découvre qu’en réalité la France, c’est d’abord Chloé, Camille, et Stéphane. Et qu’on est donc une « minorité visible ». Moi, je traduirais ce terme inintelligible par « parasite ». Je vous avais prévenus pour le franc-parler.

Une fois que l’on rencontre enfin la France, la vraie, on décide alors de s’intégrer à elle pour faire notre trou. C’est vrai, c’est plus chouette. Ici, les gens sont calmes, ils ont des maisons individuelles, ils font du solfège et les enfants de 4 ans ont parfois plus de vocabulaire qu’un mec de 18 ans de la cité. On abandonne donc notre langage particulier, on apprend la diplomatie, à s’exprimer calmement. On engrange de plus en plus de vocabulaire et, en à peine 2 ans, vous nous retrouvez dans les bureaux au téléphone avec un client : «  Humm, Nonobstant Monsieur Dubois, il y a dans ce croquis une similitude avec le concept macro-économique de… ». Ca y’est, vous êtes intégrés.

Jusqu’au jour où… Hulk se réveille.

(à suivre…)

  

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